jeudi 29 novembre 2012

U G Krishnamurti


Les autobiographies ne sont que mensonges, dit U. G. (Uppaluri Gopala Krishnamurti, 9 juillet 1918 - 22 mars 2007). Les biographies sont doublement mensongères, parce que la biographie et son auteur mentent tous les deux. Tout ce que je pourrais dire sur ma vie passée est forcément déformé par ma condition présente. Ceci dit, je suis un analphabète qui ne sait ni lire ni écrire.
Source : Les deux océans.


Bibliographie en français (transcription d'entretiens) :
 - Rencontre avec un éveillé contestataire, Ed. Les deux océans, Paris, 1986.
 - Le mental est un mythe. Ed. Les deux océans, Paris, 1988.
 - La pensée est votre ennemie. Ed Les deux océans, Paris, 1990.
 - Le dos au mur. Ed Les deux océans, Paris, 1998.
 - Coloquintessence. Ed. Les deux océans, Paris, 1993.
 - Impertinentes pertinences, par Charles Antoni. Ed. Originel, Paris, 1999.
Les deux océans.
Sites (en anglais) :
U.G.Krishnamurti / http://www.ugkrishnamurti.org/


La "calamité" de U.G. :

Comme un feu qui couve, je portais en moi cette question toujours renouvelée : « Quel est cet état ? Je le veux. C’est fini, pourtant  Krishnamurti m’a dit : « Vous n’avez aucun moyen de le savoir…». Malgré tout je veux absolument savoir quel est cet état, celui dans lequel vivait Bouddha, Sankara et bien d’autres instructeurs. »

Puis en juillet 1967, j’ai traversé une nouvelle phase. De retour à Saanen,  Krishnamurti donnait ses conférences. Mes amis m’y entraînèrent : « Cette fois au moins c’est gratuit ! Pourquoi ne viendrais-tu pas l’écouter ? » « D’accord, j’irai. » Et tandis qu’effectivement je l’écoutais, il se produisit une drôle de chose — l’impression curieuse qu’il décrivait mon état et non le sien. (Pourquoi du reste aurais-je voulu connaître son état ?) Il décrivait certains mouvements, une certaine qualité de conscience et de silence. Il disait : « Dans ce silence, il n’y a pas de mental, il y a action », et ainsi de suite. « Mais, me dis-je, je suis dans cet état ! A quoi ai-je passé mon temps durant ces trente ou quarante années ? A écouter tous ces gens, à me mettre moi-même au défi, à vouloir à tout prix comprendre, son état et celui des autres, Bouddha ou Jésus ! Je suis dans cet état. A l’instant même, je suis dans cet état. » Aussitôt je quittai la tente sans plus jamais revenir en arrière.

Alors, très curieusement, la question « Quel est cet état ? » se mua en une autre : « Comment sais-je que je me trouve dans cet état, l’état de Bouddha, l’état que j’ai tant souhaité et que j’ai recherché un peu partout ? Je me trouve dans cet état, comment se fait-il que je le sais ? »

Le jour suivant (jour de mon 49e anniversaire), j’étais assis sur un banc à l’abri d’un arbre, devant l’un des plus beaux paysages qui soit au monde : les sept collines et les sept vallées de la région de Saanen. J’étais assis là. Ce n’est pas que la question était présente, mon être entier était la question. Je m’observais moi-même et je me disais : « Comment sais-je que je suis dans cet état ? En quelque sorte, je me divise intérieurement ; il y a en moi quelqu’un qui sait que je suis dans cet état. La connaissance de cet état – à savoir, ce que j’ai lu, ce que j’ai expérimenté, ce dont on m’a parlé –, c’est cette connaissance elle-même qui observe cet état, et c’est donc elle qui l’a projeté. Alors je me dis : « Trêve de plaisanteries, mon vieux ! Depuis quarante ans tu n’as pas avancé, tu n’as pas quitté la case de départ. La question qui te préoccupe relève encore et toujours du jeu des projections du mental. Ta position n’a pas changé et la question “Comment sais-je…?” participe du même jeu. Car c’est le mental, la description fournie de l’extérieur par toute une horde de gens, qui crée cet état de toutes pièces. Tu te fais des illusions. Tu es un beau crétin. » En un sens, je n’avais pas avancé d’un pouce, mais je gardais le sentiment étrange que c’était bien cet état.

La question me harcelait sans cesse. Puis, soudain, elle disparut. Il ne se produisit rien de spécial : la question disparut, tout simplement. Je ne me suis pas dit : « Oh ! Mon Dieu ! Cette fois je tiens la réponse ». L’état lui-même disparut – l’état où je croyais être, l’état de Bouddha, de Jésus… Même cet état avait disparu. La question ne se posait plus. J’en ai fini avec tout cela. Fini, terminé ! Depuis lors, il ne m’est plus jamais arrivé de me dire : « Désormais j’ai la réponse à toutes ces questions ». L’état, qui avait suscité la pensée : « Tiens ! Voilà cet état » – cet état avait disparu. La question avait disparu. C’en était fini, voyez-vous. Il ne s’agit pas de vacuité, pas de néant, pas de vide. Rien de cet acabit. Tout d’un coup, la question n’avait plus eu cours. Point final.

Alors la pensée ne peut plus établir de liaisons. L’enchaînement est rompu et la rupture est définitive. L’explosion de la pensée ne se produit pas une seule et unique fois. Chaque fois qu’une pensée surgit, elle se disloque. Ainsi la continuité prend fin et la pensée retombe dans son rythme naturel.

[…]

Ma tête, me semblait-il, était devenue si compacte qu’elle n’offrait plus aucune place aux interrogations superflues. Pour la première fois je prenais conscience de mon crâne comme d’une boîte close. Sans doute, certaines résurgences du passé (des “vasanas”… mais le mot utilisé importe peu) essayent bien parfois de montrer le bout du nez, mais le cerveau est si dense et compact qu’il ne laisse plus de place aux divagations. La division ne peut plus s’installer : c’est une impossibilité physique à laquelle vous ne pouvez rien changer. C’est pourquoi je dis que lorsque cette « explosion » se produit (j’emploie ce mot parce qu’il s’agit d’une sorte d’explosion nucléaire), elle laisse derrière elle des réactions en chaîne. Dans chacune des cellules de votre corps, jusqu’à la moelle des os, vous êtes atteint par ce « changement ». Je n’aime pas utiliser ce mot, et pourtant il s’agit bien d’un changement, et d’un changement irréversible. Impossible de revenir en arrière. Pour l’homme qui est passé par là, il n’est pas de « rechute » possible ; c’est irréversible : il s’est accompli une sorte de processus alchimique.

Je le répète : on dirait une explosion atomique, et tout votre corps vole en éclats. Ce moment est bien difficile à vivre, et c’est la fin de l’être humain. Une telle déflagration réduit le corps à néant, jusqu’à la dernière cellule, jusqu’au dernier nerf. J’ai subi alors de terribles tortures physiques. En fait, vous ne pouvez pas faire l’expérience de l’explosion, elle-même, mais seulement de ses ondes de choc secondaires, des « retombées ». Toute la chimie de votre corps s’en trouve modifiée.

Vous venez de dire que des modifications chimiques s’étaient produites en vous. Comment le savez-vous ? Avez-vous jamais été examiné ou bien s’agit-il d’une déduction ?

Il y a les effets de l’explosion, la manière dont mes sens fonctionnent maintenant, en l’absence d’élément coordinateur, sans raccord central. C’est tout ce que je peux vous dire. Une chose encore : la chimie de l’organisme a changé. Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ? En l’absence d’une telle alchimie ou révolution physiologique, il n’y a aucun moyen de libérer l’organisme de la pensée et de sa continuité. Cette continuité n’existant plus, vous êtes en droit d’affirmer qu’il s’est produit quelque chose. Mais quoi, au juste ? Et comment exprimer ce qui échappe à l’expérience ?
Source : http://www.revue3emillenaire.com/

http://consciencesansobjet.blogspot.fr/2010/07/ug-krishnamurti.html

lundi 12 novembre 2012

Richard Moss


Être un homme entier

Richard Moss obtint son doctorat de médecine en 1972, et décide de renoncer à exercer la médecine classique en 1976, afin de « faire la cour » à la nouvelle conscience qui s’est spontanément éveillée en lui. Depuis lors, il anime des séminaires de transformation dans le monde entier.



Définitivement et irréversiblement, tel le glissement des plaques lors d’un tremblement de terre, un changement profond s’est produit dans ma conscience au début de l’année 1977. L’ancien Richard Moss, docteur en médecine, a disparu à jamais.

[…]

Il y a quelques années, on m’a demandé pourquoi je me suis tant impliqué dans la transformation après m’être donné tant de mal pour être médecin. La réponse était simple : j’avais vécu quelque chose qui me paraissait avoir davantage de réalité que tout le reste, et n’avais d’autre choix que celui d’honorer cette expérience.

Quand j’exerçais la médecine conventionnelle, j’ai plongé les mains dans le ventre d’un homme, ouvert du sternum au nombril. Il avait reçu un coup de couteau et le sang coulait dans les intestins. J’ai pressé sa veine cave inférieure (la grande veine du corps) contre sa colonne vertébrale pour tenter d’arrêter l’hémorragie. Mes mains étaient encore en lui lorsqu’il est mort. J’ai vu luire le cerveau à la lumière des lampes chirurgicales, alors que le neurochirurgien s’apprêtait à opérer une tumeur. J’ai également été le patient. Allongé sur la table d’opération, dans un état de conscience des plus extraordinaires, j’observais la fumée qui montait devant mes yeux pendant la cautérisation destinée à stopper les saignements, alors que deux chirurgiens ophtalmologistes repositionnaient les muscles pour corriger le mouvement d’un œil qui, jusqu’à ce jour, avait empoisonné toute mon existence. Tous ces instants, et chacun d’entre eux, étaient, réellement, miraculeux.

Et puis un jour, dans la salle des urgences, alors que je m’approchais d’un homme apeuré et perclus de douleur qui attendait une injection de Demerol et de Valium, j’ai entendu une voix dans ma tête. Elle résonnait en moi : « Tu n’as rien à donner à cet homme à part de l’amour. »

J’ai rendu ses seringues à l’infirmière étonnée, suis venu près de lui et ai placé ma main gauche sur son aine et la droite au sommet de sa tête. Presqu’instantanément, la pièce est devenue effroyablement chaude, et je l’étais moi-même tout autant. Perplexes, les membres de sa famille sont allés ouvrir les fenêtres pour faire entrer un peu d’air frais. Les yeux du malade se sont révulsés, il est devenu flasque et est tombé dans un profond sommeil. Une demi-heure plus tard, sans plus de douleur et boîtant juste un peu, il s’est levé, m’a remercié les larmes aux yeux et a quitté l’hôpital. Sa souffrance et sa crise avaient disparu en quelques secondes, sans qu’un mot fût prononcé et sans aucun médicament. Là où je n’avais trouvé que haine et agressivité et peur, brillaient dans ses yeux la vénération, le respect et l’attention.

A cet instant, une vérité que quelque part, j’avais toujours sue s’est trouvée à jamais confirmée en moi. En termes simples, cette vérité dit que nous sommes des êtres à plusieurs dimensions. De nombreuses dimensions de conscience sont à notre disposition, et nous pourrons choisir celles que nous embrasseront dans notre vie. La quête de ces dimensions peut être créative au point de renouveler la vie, et par comparaison, les miracles de la médecine pratique paraissent grossiers.

Quelle était la nature de l’énergie qui passa entre nous et apparemment réchauffa la pièce où nous nous trouvions, ainsi que tous ceux qui étaient là ? Quelle était la sorte d’amour invoqué par cette injonction intérieure ? Emerveillé, je restai là et me demandai : « Que sommes-nous ? »

[…]

Pour moi, ce n’était pas tant le miracle de cet instant qui avait de l’importance, que la reconnaissance de cette conscience plus vaste. Le miracle le confirmait : il me disait que l’engagement qui me portait à m’ouvrir et à grandir en apprenant ce qu’aimer veut dire portait ses fruits. C’était une confirmation cosmique, une sorte de baptême pour un nouvel échelon de service, et l’une des expériences-clé qui m’ont conduit à renoncer à la médecine conventionnelle pour reconnaître ce que veut dire être un homme entier.

Richard Moss, Unifier : s’éveiller à des énergies supérieures grâce à l’amour inconditionnel, Le Souffle d’Or, 1991, pp.11-21.

http://www.revue3emillenaire.com/fr/temoins-deveil/item/261-richard-moss-etre-un-homme-entier.html

Yolande


C’était au mois d’août, en 2003. La journée avait débuté comme n’importe quelle journée d’été. Mon fils était sorti, j’étais seule à la maison, à m’occuper de choses et d’autres. Et puis voilà que je l’ai remarqué…

Remarqué quoi ?
C’était comme un silence dans ma tête. Oui : un silence frappant… Où étaient passées mes pensées ?… Il y avait cet espace, cet intervalle entre les pensées qui les faisait passer au second plan. Comme si elles ne m’appartenaient plus ou, en tout cas, n’avaient plus de pouvoir sur moi. Je sentais une légèreté, un bien-être, l’impression d’être en phase, connectée avec moi-même comme je ne l’avais jamais été. Connectée à quelque chose d’inexplicable, d’inexprimable : ce silence…
Je me suis demandé ce qui m’arrivait. Et j’ai commencé d’observer.

Et ?…
Ce que je ressentais, c’était une modification de mon fonctionnement intérieur. À la vitesse de l’éclair, quelque chose m’était tombé dessus. Quelque chose que je n’avais pas vu arriver. Pas même s’installer. Et cette « chose » qu’aucun mot ne peut décrire avait pris le pouvoir sur tout.

Tu n’as rien vu arriver ?
Rien. Je n’ai pu que constater que tout était différent… Sur le moment, c’est ce silence qui m’a frappée. Dans les jours qui ont suivi, je me suis rendu compte que je ne vivais plus les choses comme avant. Les mille détails qui, dans une journée, m’agaçaient, une porte qui claque, les clefs qui disparaissent juste comme on s’apprête à sortir, une préoccupation ou une autre, tous ces micro-événements qui m’agaçaient en permanence sans même que je le remarque : tout ça ne me dérangeait plus. Je constatais : tiens, la porte est mal fermée, les clés ne sont pas dans ma poche… J’allais fermer la porte, je me mettais à chercher les clés… et je ne trouvais rien à y redire. Les choses étaient ce qu’elles étaient. Ma façon de les percevoir, d’y réagir, avait changé.

Tu ne réagissais plus, en fait ?
Voilà, je ne réagissais plus. Parce qu’il y avait ce silence, cette tranquillité qui était là, qui m’envahissait toute, et me laissait telle qu’était la situation.
Les premiers temps, j’ai regardé ça toute seule, au fond de moi, en me demandant ce que ça pouvait bien être… Comme je venais de fêter mes 40 ans, je me suis dit : « c’est formidable d’arriver à 40 ans! je me sens enfin en phase avec moi-même! je me sens si légère, si bien… »

Tu as mis ça sur le compte de la quarantaine, vraiment ?!
Oui, je me suis dit ça au début. Mais quand j’ai commencé à évoquer ce que je vivais autour de moi, je me suis aperçue que, même passé 40 ans, les gens ne ressentaient pas ce que je ressentais, ils n’avaient pas ce point de vue que j’avais.
Je n’avais que des amis très cartésiens. Tous étaient pris, comme moi, par la vie active. Pas plus que moi ils ne s’étaient posé de questions métaphysiques ni n’avaient ouvert un livre
« spirituel » ou de développement personnel… Ils m’avaient toujours connue très speed : à peine arrivée quelque part je voulais déjà être ailleurs. Et là ils me voyaient posée, tranquille tout d’un coup, sereine. Alors ils se réjouissaient pour moi.

« Tant mieux, tu as l’air bien », disaient-ils. Mais ils n’en savaient pas davantage sur ce que je vivais. Et moi non plus.
C’est là que je me suis interrogée sur ce qui pouvait bien se passer dans l’invisible, sur ce qui se passait à l’intérieur de soi. J’ai commencé à me renseigner, à entrer dans des librairies, à chercher des livres qui, peut-être, m’expliqueraient un peu ce que je vivais…

Dans vos paroles vous témoignez d’une ouverture soudaine sans référence ou recherche spirituelles longues. Quelles ont été les circonstances de cet éveil ?
Un instant a suffit pour voir que tout ce que je croyais être je ne le suis pas. J’ai découvert par moi-même ma véritable nature et depuis je suis dans un étonnement profond.

Pouvez-vous nous décrire ce qui a été ressenti pendant cet instant où l’éveil est survenu ?
Une évidence absolue qui a prie le pouvoir sur tout ce que je croyais être.
Une force qui a pris le pouvoir sur les trois états (veille, sommeil et rêves) et tout leur contenu.
C’est la force la plus puissante de l’univers. LE SILENCE GUÉRIT. Ma vision a changé du tout au tout.
Ce n’est plus moi qui vois avec les yeux de mon corps mais c’est le silence qui voit.
C’est un état constant libre de penser. En un mot, ma véritable nature n’est pas de penser mais de voir ce corps et ses sens jouer leurs rôles.

Que voyez- vous de différent ?
En fait avant mon attention était focalisée sur le monde et depuis cette rencontre l’attention est focalisée sur LE SILENCE. Donc, que j’ai les yeux ouvert ou fermés, je vois que cela.

Quel est votre enseignement ?

L’enseignement de Yolande n’est que l’expression de sa propre expérience et de sa réalisation.
Une personne réalisée utilise son propre langage.

LE SILENCE est le meilleur langage.
LE SILENCE est le véritable enseignement.
LE SILENCE est ma seule référence.
Dans le silence de nos rencontres, laissons-nous guider par le pouvoir du Silence.


Présentation du livre – Page quatre de couverture :

LE SILENCE GUÉRIT
Yolande Duran-Serrano et Laurence Vidal
Éditions Almora


Printemps 2008 : deux femmes se rencontrent.

L’une, Yolande, vit depuis cinq années une expérience indicible, basculement soudain, éternellement répété, de tout son être au tréfonds de l’Être. Cet état – ce non état – se manifeste par un silence intense, un vide, une plénitude à la fois si extraordinaires et si simples qu’elle n’a longtemps pas eu de mots pour le dire. Étonnée d’abord, puis de plus en plus amoureuse de « cette chose » en elle qui a pris le pouvoir sur tout, Yolande se laisse guider, enseigner par elle. Et ressent de plus en plus le goût de partager ce Silence, cette manière d’être au monde empreinte de légèreté et de simplicité.

L’autre, Laurence, autrefois journaliste, se consacre à l’écriture, à la pratique du yoga et à la fréquentation des textes inspirés, qu’ils soient de métaphysique non duelle ou de mystique chrétienne et soufie.

Entre Yolande et Laurence, l’idée d’un livre germe. Elles ont du temps toutes deux, s’abandonnent au hasard providentiel de leurs conversations et de leur amitié naissante. Les mois passent… bientôt une année… Le Silence guérit en est le fruit.

À la fois tentative de dire cet indicible qu’on appelle l’Éveil et regard du témoin, Laurence, qui donne à voir Yolande dans sa vie de tous les jours et se trouve elle-même gagnée par des espaces de présence silencieuse, ce livre à quatre mains fait se tenir côte à côte une vie touchée par la grâce, une autre par l’espérance. Hors de tout courant spirituel ou religieux, puisque né d’une Libération intérieure spontanée, il témoigne du saisissement par l’ultime Réalité de soi-même et de tout. Saisissement, Silence qui est « l’ultime guérison, puisqu’il guérit de l’idée d’être une personne… »

Merci à Yolande et à Laurence pour leurs témoignages émouvants.

dimanche 11 novembre 2012

Douglas Harding


La vision sans tête

Douglas Harding est l'auteur de nombreux ouvrages et articles parus dans 3e millénaire. Depuis les années 1960, il a présenté, par des ateliers, une approche très originale de l'Eveil. Sa découverte s'est produite lors d'une promenade dans l'Himalaya.

Le plus beau jour de ma vie — ma nouvelle naissance en quelque sorte — fut le jour où je découvris que je n’avais pas de tête. Ceci n’est pas un jeu de mots, une boutade pour susciter l’intérêt coûte que coûte. Je l’entends tout à fait sérieusement : je n’ai pas de tête.

Je fis cette découverte il y a dix-huit ans, lorsque j’en avais trente-trois. Tombée soudainement du ciel, elle répondait néanmoins à une recherche obstinée pendant plusieurs mois, j’avais été absorbé par la question : qu’est-ce que je suis ? Que cette découverte se soit produite lors d’une promenade dans les Himalayas importe peu ; c’est pourtant, dit-on, un lieu propice à des états d’esprit supérieurs. Quoi qu’il en soit, ce jour très clair, très calme, et cette vue du haut de la Crête où je me trouvais, par-delà les brumes bleues des vallées, vers la plus haute chaîne de montagnes du monde, avec parmi ses cimes enneigées le Kangchenjunga et l’Everest, voilà sans doute ce qui rendit cette scène digne de la vision la plus haute.

Il m’arriva une chose incroyablement simple, pas spectaculaire le moins du monde : je m’arrêtai de penser. Un état étrange, à la fois alerte et engourdi, m’envahit. La raison, l’imagination et tout bavardage mental prirent fin.

Pour la première fois les mots me firent réellement défaut. Le passé et l’avenir s’évanouirent. J’oubliais qui j’étais, ce que j’étais, mon nom, ma nature humaine, animale, tout ce que je pouvais appeler mien. C’était comme si à cet instant je venais de naître, flambant neuf, sans pensée, pur de tout souvenir. Seul existait le Maintenant, ce moment présent et ce qu’il me révélait en toute clarté. Voir, cela suffisait. Et voir quoi ? Deux jambes de pantalon couleur kaki aboutissant à une paire de bottines brunes, des manches kaki amenant de part et d’autre à une paire de mains roses, et un plastron kaki débouchant en haut sur… absolument rien ! Certainement pas une tête.

Je découvris instantanément que ce rien, ce trou où aurait dû se trouver une tête, n’était pas une vacuité ordinaire, un simple néant. Au contraire, ce vide était très habité. C’était un vide énorme, rempli à profusion, un vide qui faisait place à tout – au gazon, aux arbres, aux lointaines collines ombragées et, bien au-delà d’elles, aux cimes enneigées semblables à une rangée de nuages anguleux parcourant le bleu du ciel. J’avais perdu une tête et gagné un monde. Tout cela me coupait littéralement le souffle. Il me semblait d’ailleurs que j’avais cessé de respirer, absorbé par Ce-qui-m’était-donné : ce paysage superbe, intensément rayonnant dans la clarté de l’air, solitaire et sans soutien, mystérieusement suspendu dans le vide, et (en cela résidait le vrai miracle, la merveille et le ravissement) totalement exempt de « moi », indépendant de tout observateur. Sa présence totale était mon absence totale, de corps et d’esprit. Plus léger que l’air, plus translucide que le verre, entièrement détaché de moi-même, je n’étais nulle part à la ronde.

Pourtant, malgré la qualité magique et surprenante de cette perception visuelle, il ne s’agissait ni d’un rêve, ni d’une révélation ésotérique. Plutôt l’inverse : un éveil soudain qui m’arrachait au sommeil de la vie ordinaire, la fin d’un rêve, une réalité qui rayonnait de sa propre lumière, et pour la première fois lavée de la pensée qui obscurcit. C’était la révélation tant attendue de l’évidence même, un moment de clairvoyance dans l’histoire confuse de ma vie. Je cessais d’ignorer une chose que (depuis ma plus tendre enfance, en tout cas) je n’avais pu voir, égaré par trop d’occupations ou de faux-fuyants. C’était une attention nue, sans jugement, à une réalité qui n’avait pas cessé de me « dévisager » mon absence totale de visage. Bref, tout cela était parfaitement simple, ordinaire et direct, au-delà du raisonnement, de la pensée, et des mots. En dehors de l’expérience elle-même ne surgissait aucune question, aucune référence, seulement la paix, la joie sereine, et la sensation d’avoir laissé tomber un insupportable fardeau.

Douglas E. Harding, Vivre sans tête, Le Courrier du Livre, 1978.


mardi 6 novembre 2012

Rupert Spira


Que nous le sachions ou non, nous sommes toujours cette Conscience ouverte, libre et illimitée, et pourtant nous l’oublions parfois. C’est notre liberté d’oublier.

Une fois que nous avons oublié, aucune autre liberté n’est possible, sauf celle de nous souvenir.

Même si nous sommes toujours cette Conscience ouverte, libre et illimitée, il semble parfois que nous soyons limités. Nous nous sentons limités. La Conscience s’expérimente comme étant aliénée par sa propre projection.

Ayant projeté une limitation au sein de sa propre non-limitation, la Conscience s’identifie ensuite avec cette limitation. Elle oublie sa nature réelle. Elle « tombe » dans l’ignorance.

La Conscience sent alors que sa propre nature est en quelque sorte étrange, inconnue et non familière, qu’elle a été perdue et a besoin d’être trouvée, qu’elle a été oubliée et qu’il est nécessaire de la retrouver, qu’elle est ailleurs, autre et séparée.

La Conscience ne réalise pas qu’elle est précisément ce qu’elle cherche ; elle est déjà elle-même.

Elle ne voit pas clairement que la Connaissance de tout ce qui est connu dans l’instant est la connaissance d’elle-même.

Cependant, peu importe la profondeur de l’identification de la Conscience avec le fragment de sa création, peu importe l’importance de l’ignorance, et les pensées, les sensations et les activités qui en découlent, peu importe le succès avec lequel la Conscience se dissimule de sa propre nature, son souvenir d’elle-même est toujours plus profond que son oubli.

Il en est toujours ainsi, simplement parce qu’avant de sembler devenir autre chose qu’elle-même, la Conscience est toujours et seulement elle-même.

La Conscience est l’expérience première de toutes les expériences, quel que soit leur caractère particulier. C’est ainsi que la recherche d’elle-même, le désir de retourner en elle, d’y demeurer ne peut jamais être éteint.

C’est ironiquement, pour la même raison, que la recherche sera toujours sapée, car dès qu’il est compris que la Conscience s’expérimente toujours elle-même, il est aussi réalisé que la Conscience n’a nulle part où aller, et n’a pas de devenir.

Ainsi, du point de vue de l’ignorance, la recherche est le premier pas que la Conscience entreprend vers elle-même. Du point de vue de la Compréhension, la recherche est le premier pas de la Conscience
l’éloignant d’elle-même. Dans les deux cas, la Conscience ne va nulle part.

Même lorsque la Conscience s’est voilée d’un habit de croyances, de doutes, de peurs et de sensations, le goût de sa propre nature illimitée, libre et sans peur est inscrit dans chacune des expériences, et ce goût est souvent expérimenté comme une sorte de nostalgie ou de désir profond.

Ce désir est fréquemment associé, à tort, avec un événement ou un moment de nos vies, le plus souvent l’enfance, lorsque tout, semblait-il, allait mieux, lorsque la vie était plus heureuse.

Cependant cette nostalgie n’est pas celle d’un état qui existait dans le passé, mais bien celle de la paix et de la liberté de la Conscience qui réside en deçà, et se trouve dans la profondeur de chacune de nos expériences actuelles.

Le « bonheur » qui était « alors » présent était simplement la présence non voilée de cette même Conscience, qui voit et comprend ces mots.

La Conscience projette cette expérience courante en dehors d’elle-même, puis elle se perd dans cette projection, dans le mental/corps/monde qu’elle a projeté à partir d’elle-même, et s’identifie avec une partie d’elle. C’est comme si elle disait : « Je ne suis plus cette Conscience ouverte, libre et illimitée. Je suis ce fragment limité que j’ai créé en moi. Je suis le corps. »

En agissant ainsi, la Conscience s’oublie. Elle oublie sa propre nature illimitée. Cet oubli est connu comme   « l’ignorance ». C’est la Conscience qui s’ignore elle-même.

La conséquence de cet oubli de Soi, c’est l’apparition de la nostalgie et le désir profond de la Conscience de retourner en elle, d’être libre. Elle ne réalise pas, pour le moment, qu’à chaque instant de ce voyage prodigue, elle n’est toujours qu’elle-même.

La méditation est simplement la libération de cette projection du poids de la séparation. C’est le « dé-nouement » de la contraction de soi, le « dé-tissage » de toute cette confusion.

Au lieu de concentrer son attention sur le fragment limité, sur l’entité séparée qu’elle avait crue être, la Conscience redirige sa propre attention sur elle-même, telle qu’elle est réellement. Elle retourne à elle-même, elle se rappelle elle-même.

Au lieu de projeter le monde en dehors d’elle-même, la Conscience le récupère et le ramène en elle.



vendredi 11 mai 2012

Della


Della a eu la chance de grandir dans un environnement aimant.  Depuis toute jeune, elle s’est sentie choyée par la vie.  Elle a étudié.  Elle a fondé une famille.  Elle est devenue médecin.  Elle pratiquait à l’urgence.

Elle ne cherchait rien.  Elle n’avait pas de croyance spirituelle.  Elle était heureuse.


Puis en 2005, lors d’une séance d’hypnose, elle a vécu ce qui pourrait être décrit comme une expérience de mort imminente.  Elle a été touchée au coeur par l’Unité et son Amour Inconditionnel.  Sa vie a alors basculé.

Avec cette Présence libre et aimante qui respirait en elle, tout de son identité « propre » a été remis en question.  Graduellement, elle n’a pu que s’abandonner à cette Réalité que Nous sommes Un et qu’aucune étiquette, croyance ou connaissance n’est nécessaire pour Être.

Certains pourraient qualifier sa transformation d’Éveil de Conscience.


« L’Amour est là et s’offre à nous de l’intérieur.
Il attend les bras grands ouverts, avec une infinie patience, que nous soyons prêts
à nous y déposer humblement. »


Le temps est-il venu de plonger dans l’abysse sans fond de la Simplicité et du non-savoir ?

C’est avec bienveillance que Della nous invite à voir et à nous libérer de nos prisons conditionnées afin de toucher à ce que nous Sommes vraiment en toute Simplicité.

https://sites.google.com/site/dellainvitationfr/qui-est-della

mercredi 9 mai 2012

Michaël Szyper


« La Réalité, notre vraie nature, est toute proche, bien plus proche qu'on ne le croit.

Elle est aussi toute simple, bien plus simple qu'on ne le pense.

Comme elle n'a pas de limite, elle inclut tout. »
                  
            
Depuis plus d'une dizaine d'années, Michaël transmet, aux quatre coins du monde, de l'Europe au Canada, en passant par le Liban et l'Amérique du Sud, la possibilité de se réaliser et vivre la non-dualité dans la vie quotidienne.

Il est l'auteur d'un conte poétique et d'un livre d'aphorismes sur l'éveil, qui sensibilisent à la vraie nature du soi, de la vie et de la réalité.


Michaël est juriste et psychothérapeute de formation.  Il vit à Bruxelles où parallèlement à la transmission de son approche de l'éveil, il est entrepreneur dans le secteur privé.

Sa rencontre avec l'éveil et la vie est issue de son parcours et de l'intérêt pour l'essentiel qui s'est manifesté très tôt dans sa vie.


Parcours:
Michaël est depuis toujours interpellé par le mystère de la vie et l'infini.
Aussi loin que ses souvenirs remontent, il se sent relié à une conscience plus large et silencieuse.
À 5 ans, il prend soudain conscience de la mortalité du moi et de tout ce qui vit et, une réalisation de la nature non-duelle et intemporelle de la réalité le marque profondément.
Il s'ensuit dès l'adolescence une quête intense pour découvrir si la nature du réel est ce qu'il a perçu enfant.  Il s'intéresse à la philosophie, puis aux traditions spirituelles et explore le zen, différentes formes du yoga, le shamanisme, et l'advaïta vedanta.  À partir de l'âge de 17 ans et pendant une dizaine d'années, il voyage dès qu'il en a l'opportunité, surtout en Inde, à la rencontre d'êtres éveillés.
Sa quête intérieure l'amène à vivre pleinement, ouvrir son cœur et découvrir son âme.  Il s'intéresse aux approches thérapeutiques occidentales, classiques et transpersonnelles, et se forme, notamment, à la guérison énergétique à la Barbara Brennan School of Healing aux États-Unis et en thérapie systémique et familiale en Belgique.
À 28 ans, sa recherche s'arrête devant l'évidence que tout est la Conscience et que la Conscience, notre vraie nature, n'a pas d'histoire et rayonne pleinement dans l'instant.
                    

Vu sur: http://eveilimpersonnel.blogspot.fr/

samedi 21 avril 2012

Sunyata


En 1890, naquit dans une ferme isolée du Danemark, un homme exceptionnel nommé Emmanuel Sorensen.

En quoi était-il exceptionnel ? Il l'était par sa totale transparence et son silence intérieur. En fait, il est né dans un état de total éveil spirituel immensément différent de la plupart des êtres humains, prisonniers de leur ego, identifiés à leur corps et à l'image d'eux-mêmes.

L'état de silence mental et d'équilibre parfait d'Emmanuel ne tarda pas à provoquer des problèmes dans un monde psychologiquement déformé par une déification de la pensée entraînant une agitation mentale permanente.

La période scolaire fut très pénible. Il la désigne comme « l'éducation de la tête », considérée par lui comme une sorte de tentative de corruption de l'être humain. Emmanuel ne comprenait pas que les êtres humains puissent être à tel point agités et identifiés à leur égo. Ce qui l'étonnait le plus était le fait que les gens se considéraient absolument comme des entités séparées, chacune enfermée dans une sorte de prison étriquée et artificielle.

Il fut évidemment considéré comme simple d'esprit et anormal. Son entourage fit de vains efforts pour le rendre « normal ». Il dut renoncer à suivre le programme scolaire normal mais s'intéressait passionnément à la nature, aux fleurs et aux arbres. Emmanuel finit par faire des études d'horticulture et se rendit en Angleterre en 1911 où il fut engagé comme jardinier dans un château.

En 1913, il écouta une conférence d'Annie Besant à la Socié té théosophique. En 1920 se produisit un événement inattendu qui certainement n'est pas dû au hasard. Le propriétaire du château reçut un visiteur de marque : le célèbre poète et sage indien Rabindranath Tagore. Au cours d'une promenade dans le jardin du château, le sage rencontra Emmanuel et le reconnut immédiatement, ébloui par sa lumière intérieure.

Rabindranath Tagore conseilla vivement à Emmanuel de se rendre en Inde pour enseigner le silence intérieur dont il était une exceptionnelle expression vivante. Emmanuel éclata de rire en déclarant : « Mais je suis le silence. »

Il se rendit en Inde en 1930 par bateau et visite la Palestine et l'Egypte. En 1932, Emmanuel retourna brièvement en Angleterre de plus en plus conscient du rôle que lui destine sa vision intérieure. Il visite l'Irak, la Syrie et la Turquie.

En 1935, il apprend l'existence de Ramana Maharshi en lisant le livre de Paul Brunton sur « L'Inde secrète ». En 1936. Emmanuel rend visite à l'ashram de Ramana Maharshi à Tirumanavalai. Il se place discrètement au fond de la salle derrière la foule et ne pose aucune question. Soudain, le Maharshi le reconnaît et le considère comme un éveillé authentique. C'est de lui qu'Emmanuel recevra le nom de « Sunyata » (Vacuité). Il voit en lui un des rares mystiques de naissance (en anglais : « one of the rare born mystics »).

En 1937, Emmanuel construit son ermitage sous la forme d'une petite hutte près d'Almora, située aux pieds des himalayas indiens. Le lama Anagarika Govinda et le docteur Ewans-Wentz étaient ses voisins.

En 1940, Emmanuel rend à nouveau visite à Ramana Maharshi qui lui transmet télépathiquement un message en cinq mots : « We are always aware Sunyata » (« Nous sommes toujours éveillés »). Emmanuel accepta ce message comme une reconnaissance, un « mantra » et un nom.

En 1945, Emmanuel écrit ses méditations qu'il appelle « Memory ». Vers 1953, la renommée d'Emmanuel se répandit dans tous les milieux spirituels de l'Inde. Le Pandit Nehru rendit visite au Sage et fut profondément impressionné par le rayonnement de sa présence. Considérant qu'Emmanuel (désormais nommé Sunyata) résidait en Inde depuis plus de vingt ans, le président Nehru lui demanda d'accepter d'être nommé citoyen d'honneur. Sunyata accepta en toute simplicité, ignorant complètement la valeur des distinctions honorifiques. Le président Nehru déclara que c'était un grand honneur pour l'Inde de compter parmi ses citoyens un Eveillé authentique de cette qualité.

Vers 1974, de nombreuses personnalités, écrivains et artistes américains rendaient visite à Sunyata et l'invitaient à enseigner en Californie au Centre Zen, fondé à la mémoire d'Alan Watts. Il s'établit dès 1978 aux Etats-Unis pour enseigner tant en Californie qu'à Chicago.

Le 5 août 1984, Sunyata fut blessé dans un accident et décéda le 13 du même mois.

Robert Linssen

http://www.reikido-france.com/shunyata.html

mercredi 18 avril 2012

Niina

Au Gabon comme dans un grand nombre de sociétés il existe des rites de passages de l'adolescence à l'adulte, c'est lors de mon initiation au bwiti par l'iboga, que j'ai fait pour la première fois l'expérience de l'absolu.

Celle-ci est fonction de votre maturité et non d' un effort, cependant, à l'issue de ce voyage tous les anciens me dirent que je ne pourrais pas revivre cette expérience au quotidien, sauf après ma mort. Curieux je demandais pourquoi pas maintenant ? Parce que c'est ainsi, voici la réponse que j'obtins.

Insatisfait, j'ai commencé à chercher un moyen pour vivre cette expérience quotidiennement, voici le début de ma quête. Mon acharnement fut tel que ma conscience s'éveilla au bout de deux ans et demi, avec le temps, je comprends que ce qui est arrivé devait arriver, tout simplement.

"Je ne suis pas celui qui sent, entend, voit, goûte, parle, pourtant je sais que je suis ." Niina


"Dans une grande manifestation de colère, je me suis oublié un bref instant, je fus celui qui est ." Niina


Que s'est-il véritablement produit ? Un « non-événement », car en réalité on ne fait pas de découverte, simplement une meilleure compréhension de sa nature véritable, comprendre qu'il n'y a rien sur quoi l’Être puisse s'appuyer, que l'intérieur et l'extérieur de ce corps n'ont pas de contenu : « il n'y a rien ».

Depuis cela, ma vie continue son cours, je suis éducateur sportif dans un club à Toulouse, conscient que je suis.

Au final, rien n'est vrai ou faux, comprendre simplement que le relatif et l'absolu alternent inlassablement, cet état de conscience ne peut-être vu. De la même manière que, nul ne peut voir le vent, mais ses manifestations qui ne sont pas le vent, il en est de même pour l'éveil.

http://ventdeveil.blogspot.fr/search/label/Niina

http://www.ni-ina.com/Site/Accueil.html

samedi 14 avril 2012

Serge Pastor


Proche de l’enseignement de J. Krishnamurti, Serge Pastor est enseignant et rééducateur en psycho-pédagogie auprès d’une population d’enfants et d’adolescents en difficulté. Son expérience, il la raconte par l’expérience de la rencontre avec ce qu’il nomme le Veilleur Silencieux.

Ma rencontre avec le Veilleur Silencieux s’est produite un soir de printemps.
A l’arrière-plan de l’agitation et du jacassement mental incessant de l’Ego, se tient, calme et immobile, le Veilleur Silencieux.

Je ne l’attendais pas. Je ne Le connaissais pas. Je n’en avais même jamais entendu parler, ni dans mes lectures, ni dans mes rencontres.

Pourtant, au soir de ce 21 avril 2001, alors que j’étais assis sur un rocher, dans une petite crique au bord de la Mer Méditerranée, face à la splendeur irisée d’un coucher de soleil dont les derniers rayons caressaient et réchauffaient tout mon corps, Il est venu à moi, sans prévenir.

Alors même que j’observais avec joie les perles dorées de lumière scintillante qui retombaient à chaque fracas de vague sur les parois rocheuses, Il a surgi de l’intérieur, à la manière d’un souffle bienfaisant et aimant de feu et de glace, balayant tout sur son passage telle une lame déferlant sur le frêle esquif de ma personnalité littéralement mise devant le fait accompli.v Instantanément, une paix mêlée d’un profond sentiment chaleureux d’amour pour toute la création, envahit tout mon être.

J’étais un et en même temps multiple. J’étais le corps, le rocher, la mer, le soleil, le ciel, la terre.
J’étais un avec ces rares voiliers qui rentraient au port, avec ces mouettes au loin, ces personnes qui se hâtaient de rentrer en marchant le long du sentier du littoral. L’intérieur et l’extérieur ne formaient qu’un tout sans aucune frontière, aucune séparation.

J’étais à la fois l’observateur et la chose observée, sans mot, sans forme-pensée ou idée pour tenter de traduire quoi que ce soit.

En cet état, aucun conflit, aucun choix, aucune attente ne me perturbaient. Une quiétude infinie m’envahissait. Une présence une et totale à la vie.

Une sérénité indéfectible, éternelle, coexistait à l’intérieur et à l’extérieur de moi, et semblait me traverser.

L’Ego encapsulé de chair, gainé et enserré dans ce corps séparé qui déambulait il y a quelques minutes au bord de la plage, avait purement et simplement disparu.

La respiration de mon corps épousait le mouvement de la vie. Elle était lente et s’emplissait, se nourrissait d’elle-même, un peu comme si je me respirais à moi-même, sans intérieur ni extérieur à combler, sans espace-temps à remplir.

Dans cet ici et maintenant, j’étais le monde. […]

J’étais un être neuf, celui que j’avais toujours été et que j’ignorais totalement jusqu’à ce 21 avril.

Le Silence était là, tout simplement, et “je” n’étais plus une entité à part entière. “Je” était le monde, ce que j’avais toujours été.

Le “moi” avait baissé la garde et, ne le nourrissant plus, il se mourait à lui-même.

Un processus de vie et de mort instantanées s’opéra alors à l’intérieur de moi, un peu comme si une “liquidation” de mes vieilles peaux était engagée.

Durant ce processus transformationnel, je vis, tel un spectateur aimant et joyeux, “l’ancien moi” résister et ne voulant pas se vider de sa substance. Avec la plus grande simplicité qui soit, je renonçai à son pouvoir, à son autorité d’autrefois, à son lot de mesquineries, à tous ses faux-semblants. Sa fausseté m’apparut avec lucidité.

Un sens intérieur prit naissance.

Le Veilleur Silencieux que je ressentais comme non-langage, non-verbal, non-formel, “parlait” en moi, à travers tout mon être.[…]

Le Veilleur Silencieux a surgi comme la brise du matin caresse le visage de l’enfant lorsqu’il ouvre la fenêtre de sa chambre et de son cœur.

Il est resté présent durant plus d’un mois. […]

Chaque matin, entre 3 h et 6 h, le Veilleur Silencieux émergeait instantanément et avec bienveillance de mon être intérieur, suite à tout questionnement que je me posais. A chaque contact, le lien fut limpide, authentique, pur, sans aucune équivoque possible. 

Serge Pastor

[extraits de l’avant-propos, L’Écroulement de la Forteresse de l’Ego ou l’Éclosion de l’Amour, A.L.T.E.S.S.E., 2004]

http://www.revue3emillenaire.com/lire/lire.php?menu=lire&page=temoins2&art_ident=20

vendredi 6 avril 2012

Claudette Vidal


Êtes-vous en quête de paix intérieure et de joie de vivre ? Ou encore, voulez-vous vous éveiller à vous-même ? Qu’importe ce que vous cherchez, le chemin est le même. Il s’agit de voir les pièges du mental et de lâcher prise à vos attachements pour laisser la place à la Présence.

 Ce que vous allez découvrir à travers votre périple n’est rien d’autre que vous, ici et maintenant. Ce « vous » est ce qu’il y a de plus ordinaire et extraordinaire à la fois. Ce « vous » est un joyau indescriptible d’une radieuse beauté. En vous éveillant à vous-même, vous allez retrouver votre état naturel, rien de plus. La surprise est dans la découverte que c’est votre état naturel.

 Toute votre souffrance prend appui sur la méconnaissance que vous avez de vous-même. Vous croyez être UNE personne alors que vous êtes « personne ». Tout ce que vous pouvez imaginer être, vous ne l’êtes pas. Ce que vous êtes est au-delà de toute description. Votre mental ne peut l’appréhender car c’est au-delà du mental.

Cette belle aventure d’éveil de la conscience est parsemée de moments d’extase et de doutes. Ce chemin n’est pas pour les tièdes. Vous rencontrerez vos peurs, vos dragons intérieurs. Les peurs font partie du chemin. Elles ne vous ralentissent pas, elles sont des messagères qui vous disent à quoi vous avez donné du pouvoir.

L’auteur aborde de nombreux thèmes importants : l’ego, les niveaux de conscience, le libre-arbitre, l’acceptation et l’action juste, l’éveil au quotidien, le Réel et l’irréel, l’Unité et la multiplicité…

Ce livre est écrit dans un langage simple et direct. Il témoigne de l’accessibilité pour tous à la liberté et à la vérité. Il enseigne et accompagne le lecteur sur son propre chemin. Il pointe dans la direction de qui vous êtes vraiment, au-delà de vos croyances.


Extrait :

Récit d'éveil

"À trente-sept ans, je rencontre un homme dont la qualité de présence m’interpelle grandement. Je perçois rapidement que cette personne sait quelque chose que je veux absolument  savoir. Je ne sais pas ce que je cherche, mais je sais qu’il y a  autre chose que ce que je connais de la vie. Ce mystère existentiel m’attire de plus en plus. Au cours des années qui ont suivi cette rencontre et, accompagnée par cet homme remarquable, j’ai appris à observer mon monde intérieur, à me libérer d’un trop plein d’émotions et à lâcher un grand nombre de croyances sur lesquelles j’avais bâti ma vie. Le déconditionnement était commencé, le réveil avait sonné. J’étais sur le chemin du retour à la maison. Ce déconditionnement me permet de me sentir mieux. Les entraînements pour développer la présence à soi et à l’autre me rendent plus vivante. Mes comportements sont plus pertinents et j’ai plus de distance avec mes émotions.

Après dix ans de vie commune avec l’homme ayant été à l’origine de mon ouverture, je fais la connaissance de Gangaji (enseignante spirituelle d’origine américaine ayant connu l’éveil auprès de HWL Poonja, affectueusement appelé Papaji)via ses livres et ses vidéos. Encore une fois, je suis interpellée par la qualité de sa présence. Je remarque l’immobilité à partir de laquelle les mots jaillissent. Je sais qu’elle sait. Je reconnais qu’elle a percé le mystère qui m’habite. Je souhaite vivement la rencontrer et j’y vais. 
Comme Gangaji et son mari Eli Jaxon-Bear offrent un s éminaire sur l’ennéagramme près de Vancouver, dans l’ouest canadien,j’ai une occasion unique de la rencontrer en personne. Je connais l’ennéagramme depuis une dizaine d’années et donne occasionnellement des ateliers et conférences sur le sujet. Mon intérêt pour ce séminaire ne réside pas dans la connaissance de l’ennéagramme qui décrit les neuf fixations de l’ego. Je souhaite me libérer de ma fixation égotique et retrouver ma liberté. Je suis de plus en plus consciente du mensonge originel concernant mon identité. J’ai une incommensurable soif de vérité et de liberté.

À la fin de la première journée du stage avec Gangaji, je fais une indigestion aiguë. La douleur est tellement intense que je crois que je vais mourir. Ma tête veut exploser et mon estomac se tord de douleur. Je suis épuisée, vidée. Dans un miroir au-dessus du lavabo, je tente de trouver un quelconque soulagement. 
Je regarde dans ce miroir et y mon visage. Soudainement, je réalise que je ne suis pas ce corps. Je réalise que le corps et moi sont deux choses différentes. Puis... ça se détend dans le corps. Tout reprend sa juste place. Je me surprends à faire des grimaces dans le miroir et à sourire. Les maux de tête et d’estomac s’interrompent subitement. Je réalise que même si ce
corps s’étalait par terre sans vie, ça ne m’empêcherait pas de continuer à faire des grimaces et des clins d’oeil amusés en étant hors du corps.
J’étais désidentifiée du corps.

Cette réalisation que le corps et moi sommes deux entités distinctes est maintenant une évidence. Jusqu’à présent, je ne le savais qu’intellectuellement. Le lendemain, nos instructeurs Gangaji et Eli ont décrit le type d’ego dans lequel j’étais fixée. Comme je connaissais mon type d’ego depuis longtemps, je ne me doutais pas que j’allais réagir si fortement en entendant la description de celui-ci. J’ai été interpellée, bouleversée. Je ressentais beaucoup de haine et de mépris pour moi et les autres. Je n’étais plus que haine et mépris. L’ après-midi, comme nous avions quelques heures de repos, mon conjoint et moi sommes allés nous balader et explorer la magnifique Cortes Island où avait lieu le séminaire. Nous avons découvert des paysages grandioses et des gens simples et souriants. De retour à notre chambre en fin de journée, toutes les émotions de haine et de mépris s’étaient dissipées. J’étais à nouveau calme et sereine.
J’étais désidentifiée de mes émotions.

Venant de nulle part, des paroles se sont élevées en moi pour dire : « c’est la deuxième étape ». J’ai alors compris que la désidentification du corps était la première étape, celle des émotions la seconde. Le lendemain, Gangaji s’est adressée aux participants d’une façon différente des autres fois. Son ton était plus solennel. J’étais très attentive. Elle nous a demandé de faire ce que son maître lui avait demandé il y a plusieurs années, et qui lui a permis de retrouver sa vraie nature. Elle nous a demandé « d’arrêter de penser ». Quand elle a dit ça, j’ai immédiatement arrêté. J’avais parcouru cinq milles kilomètres pour élucider le grand mystère de la vie, pas question de ne pas me conformer aux requêtes. Tout en étant attentive à ce qu’elle disait, mon esprit était au point zéro, immobile. Je n’avais plus aucune pensée. J’étais calme et... je prenais conscience d’un vide sidéral. Je ne sais pas ce qu’est le vide sidéral, c’est le mot qui me vient spontanément. Absence de tout… plein de vie, pourrait le décrire. Il n’y avait rien, vraiment rien.
J’étais désidentifiée du mental. 

Je ne savais pas ce qui allait se passer par la suite et je ne m’en inquiétais nullement. J’étais seulement étonnée par ce silence intérieur profond et apaisant. La nuit qui a suivi a été quelque peu étonnante. Dans une sorte de rêve éveillé, j’avais l’impression de découvrir un truc inusité, riche et captivant. Ce « truc », c’était moi. Je découvrais la potentialité de qui je suis. Je m’amusais avec moi m’amusant à m’amuser avec moi en train de me voir m’amuser… Je m’émerveillais devant l’ampleur des possibilités qui s’offraient à moi. Tout était possible, vraiment tout ! Je découvrais le royaume des possibilités de l’Être et c’était grandiose. J’étais émerveillée et fascinée par cette découverte. La Source devenait consciente d’elle-même avec ravissement. Fini de jouer à cache-cache avec moi. Je me révélais le secret que je m’étais caché depuis si longtemps. Je pouvais désormais reconnaître la splendeur de qui je suis, sans fausse modestie. J’étais cela depuis toujours et je ne me voyais pas. 

Le lendemain nous sommes allés à la dernière conférence du séminaire. Dans un anglais plus assuré que d’habitude et avec un élan capable de transporter une montagne j’ai dit : « I am free ». J’avais retrouvé ma liberté. En quittant le lieu du stage, je me suis arrêtée à la petite librairie attenante à la boutique de la réception pour y acheter deux ou trois livres que j’avais repérés quelques jours plus tôt. En effectuant le paiement je me suis dit : « Pourquoi achètes-tu ces livres, tu ne vas jamais les lire ? ». J’ai réalisé que ce que j’avais découvert était tellement grand et complet que rien de ce qui se trouvait dans ces livres ne pouvait m’intéresser. Je ne ressentais plus aucun manque que ces livres pouvaient combler, aucune question à laquelle ils auraient pu répondre. La plénitude de l’instant présent prenait toute la place. Je n’étais plus dans le moment présent, j’étais le moment présent.

Soudainement, je comprenais intimement ce que disait Krishnamurti, Bouddha, Ramana Maharshi et les autres maîtres spirituels. C’était fluide et simple. J’avais percé le mystère, j’étais rentrée à la maison. 
Tout était vide et plein à la fois. Je ressentais une plénitude tranquille que des bulles de joie et d’amour venaient parfumer occasionnellement. J’étais d’une insouciance enfantine et d’une vastitude infinie. Je voyais l ’amour et la beauté dans chaque brin d’herbe et dans l’immensité du ciel bleu. Je ressentais une douce et subtile chatouille intérieure. Une grande simplicité et une ouverture totale se baladaient dans l’espace que j’appelais « moi ».

Claudette Vidal

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jeudi 5 avril 2012

Eric Baret


La joie l'absolu sont à reconnaitre ici et maintenant.Cette révélation est l'essence du tantrisme cachemirien. Sa mise en pratique est l'objet de la tradition telle que transmise par Jean Klein à partir des années soixante.
Ce livre souligne souligne les bases shivaïtes de cet enseignement, ainsi que ses échos dans l'islam d'Ibn Arabi et la mystique rhénane. Tout en gardant son ancrage dans la tradition, cette résonance s'actualise dans tous les aspects de la vie quotidienne. Elle en souligne la beauté et  la liberté inhérentes : tout est prétexte à cette reconnaissance.
L'abondante iconographie renvoie directement à cette même révélation où expérience esthétique et compréhension métaphysique vibrent d'un même silence.

Éric Baret a exploré pendant une trentaine d'années la tradition non-dualiste du shivaïsme cachemirien auprès de Jean Klein.Il a déjà publié chez Almora Le seul désir, Le sacre du dragon vert et Les crocodiles ne pensent pas.
Le présent ouvrage est l'approfondissement de la première partie de Yoga, corps de vibration, corps de silence, aujourd'hui épuisé.
On y trouve aussi  un CD audio contenant 8 entretiens avec Éric Baret d'une durée totale de 75 min.

Voici la préface de l'ouvrage par Colette Poggi

"Il est des rencontres qui transforment l'existence. Pour Éric Baret, il y eut Jean Klein, et à travers cette personnalité intense et lumineuse, c'est en réa lité toute une famille spirituelle, avec ses maîtres, leur trésor de textes et d'expériences, qui apparut en transparence. La rencontre fut donc décisive car elle suscita un émerveillement, un éveil... elle ouvrit une voie. C'est au fond l'objet de ce livre que de raconter, au fil des chapitres, l'his toire d'une rencontre qui servit de trame à une aventure intérieure. Jean Klein était pleinement immergé dans la lumière de l'Inde, ouvrant ainsi pour ses disciples et compagnons de route de nouveaux horizons spirituel et artistique. Il avait alors eu connaissance des théories véhiculées par le Shivaïsme du Cachemire ; son enthousiasme contagieux a de toute évidence touché E.B. qui a reconnu, en ces écoles cachemiriennes, des résonances avec sa propre expérience.

Qui étaient ces penseurs épris d'absolu qui vécurent au Cachemire entre les VIIIe et XIV ème siècles, laissant à la postérité des œuvres audacieuses portant à la fois sur les voies de délivrance, les moyens de réalisation, et l'expérience esthétique ?

C'est Lilian Silburn (1908-1993) qui la première a exploré, dès les années cinquante, le Shivaïsme du Cachemire ; chercheur au CNRS, elle a publié les traductions d'une dizaine de ses textes fondamentaux en les présentant dans leur esprit originel.
Deux aspects originaux retiennent l'attention :
-la vie quotidienne apparaît comme un champ de réalisation
-l'expérience esthétique peut conduire à la saveur de l'absolu

   L'une des caractéristiques fondamentales des théories cachemiriennes consiste ainsi à considérer l'art comme une voie de réalisation, un mode d'accès au Soi, grâce à l'épanouissement des énergies de la conscience et à la quiétude qu'il confère. Il n'est donc pas étonnant que Jean Klein, découvrant en Inde cette école de vie, ait éprouvé pour elle la fascination dont nous parle E.B., et qu'il ait eu envie de la partager avec ses proches.

Quant à la vie quotidienne comme champ de réalisation, cette vision s'inscrit dans le prolongement de la précédente; tout regard, tout geste portant en lui le miracle de la conscience et de la vie. Mais est-il véritablement possible, emporté dans les flots du samsara, de vivre en accord avec la paix des profon deurs, goûtant la liberté de l'esprit par rapport aux attachements..., et leur cor tège de tensions et de vanités ? La réponse est donnée par Abhinavagupta :
Quand on se libère des différenciations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse comparable à la mise à terre d'un fardeau, l'apparition de la Lumière est l'acquisition d'un trésor oublié : le domaine de l'universelle non-dualité.Hymnes d'Abhinavagupta traduit par Lilian Silburn, p.57.

Le shivaïte du Trika peut vivre une existence de maître de maison et s'engager dans une voie de libération de ce type, le monde ne présente pas en soi d'entraves; par contre le regard porté sur celui-ci et sur sa propre essence influe sur le processus de la délivrance :
Nous rendons hommage à Shiva, Seigneur suprême manifesté aux êtres réalisés alors même qu'ils demeurent immergés dans les flots de l'existence, Lui que l'on ne peut atteindre que par la conscience de soi !
Commentaire sur la Reconnaissance du Seigneur d'Abhinavagupta, 1.8.

Comme l'évoque E.B., certains auteurs médiévaux en Occident, chrétiens, soufis..., ont eux aussi perçu intuitivement le monde à la manière d'une œuvre d'art. Pour eux la Beauté est « l'éternel dans les choses » ; cette vision guérit, pensent-ils, du désir effréné de l'éphémère. Scot Origène (xe s.) part de la simple perception d'un caillou pour «imaginer » le monde.
Si je considère un caillou, des rayons en jaillissent, qui éclairent mon esprit. Ainsi en est-il de toutes choses... La machine du monde tout entier se présente comme une lumière immense, composée de lampes innombrables, destinées à révéler, (à mettre en lumière), à établir dans la cime de l'esprit les pures beautés des choses intelligibles.
Ce sentiment profond d'apaisement (shânti) et d'unité (aikyam), appelé aussi dans la philosophie indienne «saveur» (rasa), surgit avec la cessation (provisoire) du sens du moi (ahamkâra).

La visée de l'art dans ce contexte n'est autre qu'une transformation de soi dans le sens d'un accomplissement (samskriti). Il s'agit d'une intégration dans le rythme (chandas) du souffle cosmique, indissociable d'une « mise au diapason » avec le spanda cosmique. Ce terme dérive de la racine verbale CHAD (couvrir, tenir caché, secret), liée à son autre forme CHAND (se réjouir). Le rythme, selon la théorie indienne de l'art, sous-tend toute forme, toute structure, il définit pour chaque chose un mode distinctif, dans la manifestation universelle, de la Réalité primordiale.
Ainsi celui qui contemple l'image avec profondeur, s'il est « vacant », désen­combré, s'emplit de ce rythme, de ce souffle, originel, entre en contact avec le principe même de la vie, et se charge d'énergie spirituelle.

L'émerveillement est comme un bond de l'âme qui unifie soudain l'être entier et le plonge dans un recueillement spontané. Sans ces instants de grâce où l'apparence cède à la transparence, toute pratique, tout acte artistique, rituel... resteraient à la surface d'eux-mêmes, laissant la plupart des hommes enfermés dans leur corps mortel comme l'escargot dans sa coquille, enroulés dans leurs obsessions à la manière des hérissons, modelant sur eux-mêmes leur idée du Dieu bienheureux. Clément d'Alexandrie

Comme Abhinavagupta et les penseurs cachemiriens, le peintre-lettré chinois, Mi fou, qui avait atteint grâce à son art l'équanimité, savait reconnaître les vraies richesses.
D'un regard perçant, traversant les apparences, il savait déceler ce qui se joue d'unique dans le moment présent, il savait le bonheur de s'attarder sur « l'Océan des mystères », selon la belle image d'Isaac le Syrien.

Il est pauvre mais il n'a pas de chagrin
Il embrasse le printemps du monde dans son esprit
Il est parfois assis dans les forêts
Il se promène parfois au bord des rivières.

C'est ainsi qu'il faudrait entrer dans les pages de ce livre, les forêts de ses textes, les rivières de ses images, en laissant ruisseler, en contrechant, les sonorités des mots sanskrits." 

Colette Poggi

[Eric Baret "Corps de silence" (Ed Almora)]

http://ventdeveil.blogspot.fr/search/label/%C3%89ric%20Baret

dimanche 1 avril 2012

Stephen Jourdain


A la fois poète et philosophe, Stephen Jourdain transmet, par l’art d’écrire, à travers de nombreux ouvrages, et de décrire par sa verve, au cours de nombreuses conférences improvisée, l’art de veiller et d’être Moi.


Je crois que je devrais commencer par vous dire ce qu’est mon « expérience ». Elle est l’éveil, brusque et parfait, de l’esprit — de la personne intérieure — à soi-même, à son propre fait. Cette conscience n’est pas un état passager ; une fois apparue, elle demeure.

Quand cela m’est arrivé, j’étais un petit jeune homme, tout à fait normal. Je commençais de fumer, j’étais amoureux, et si je me posais des questions telles que « qu’est-ce que moi ? », ou « qu’est-ce que penser ? », avec une intensité et une passion peut-être exceptionnelles, et me singularisais encore en étant assez couramment sujet à des moments de perception différente, à d’injustifiables gouffres de félicité, il est absolument certain que je n’essayais pas d’atteindre cet éveil, ni à aucun mystérieux autre rivage de ma vie, n’en ayant pas la notion. Vraiment, je ne cherchais rien.

Si vous n’aviez pas médité le Cogito de Descartes, auriez-vous tout de même débouché ?

Si le Cogito n’avait pas existé, me serais-je quand même « éveillé » ? Je me suis souvent posé la question. Je ne sais pas… Possiblement, oui. La petite phrase de Descartes est merveilleuse, elle possède peut-être une efficacité particulière, mais elle n’est certainement pas le seul sujet de réflexion qui puisse devenir l’occasion de « l’éveil ». L’important est que le sujet de réflexion renvoie l’esprit qui réfléchit à son propre fait, l’oblige à passer et repasser près de son centre. Or, à peu près toutes les questions que je me posais à cette époque avaient cette propriété. Par ailleurs, une autre condition de l’éclatement de « l’éveil » est une tension extrême, paroxysmale de l’intelligence. Je vous ai dit qu’il n’était guère de jours qui ne me voyaient réfléchir avec cette intensité.

Vous avez à l’instant employé le mot « condition ». Selon vous, « l’éveil » est conditionné par quelque chose ?

Je ne peux que constater un rapport entre certaines circonstances mentales et la venue de cette « chose », il me semble infiniment probable qu’elle naisse toujours en ce même contexte ; il est donc bien difficile de ne pas parler de condition et de cause. Mais en même temps, dès que j’emploie ces mots, dès que je fais de la « chose » un résultat, une conséquence, elle se rebelle en moi, me hurle que je vais contre sa nature. « L’éveil est nécessairement « l’avant » de toute chose autre que lui-même et il n’est « l’après » de rien. »

… A côté de ces circonstances mentales, existe un autre facteur, beaucoup moins visible, du rôle duquel je n’ai pris conscience que tardivement, et que je ne crois pas moins essentiel : un certain état de la vision du monde extérieur.

Pouvez-vous préciser ?

C’est difficile. Si j’essaye de préciser la nature de cette vision, ce que je puis dire est que j’étais dans un monde essentiellement dynamique. Un monde arc-bouté, tendu, jaillissant, surabondant, faisant craquer tous ses corsages, un monde en marche aussi, lancé sur la pente d’un présent intense. Ce qui l’avait fait apparaître, c’était la lecture des poèmes de Rimbaud. L’univers avait commencé de « travailler » une ou deux années auparavant, la plante était déjà née, Rimbaud a brusquement amené un printemps, tout en conférant à la plante un visage défini.

Qu’avez-vous fait, immédiatement après que cela se soit allumé en vous, la première fois ?

Je suis resté une heure ou deux réveillé dans l’obscurité, œuvrant « l’éveil », grattant l’allumette et provoquant la flamme — qui était une même chose que le geste par lequel je la faisais brûler —, et jouant un peu avec cela, je crois, avec émerveillement. Le lendemain matin, ma première pensée a été « l’éveil », et savais-je toujours faire le geste ? J’ai découvert que oui, je savais, que cette chose miraculeuse était toujours là, et qu’elle serait présente jusqu’à ma mort, car je n’oublierais jamais le geste.
(...)

Quand cette chose-là vous est arrivée, avez-vous eu l’impression que c’était quelque chose qui était seulement pour vous, ou que cela pouvait arriver à tout le monde ?

Mon sentiment est très fort là-dessus. Cette chose ne tient en aucune façon à la nature particulière de mon esprit et peut jaillir en tout esprit. L’idée ne m’est jamais venue que cela pu être un don personnel. La possibilité de « l’éveil » appartient à l’âme humaine de la même façon que la possibilité de ressentir l’évidence 2 + 2 = 4.
(...)

Le problème de la mort, dans l’état « d’éveil », disparaît ? Vous n’avez jamais pensé à la mort, en état « d’éveil » ?

Je n’ai jamais pensé à la mort dans « l’éveil » pour une bonne raison, c’est que je n’y pense pas. Ce qui ne veut pas dire : le silence de la pensée. Le silence de la pensée et l’absence de la pensée sont des choses tout à fait différentes. On peut ne penser à rien avec une grande perfection, et il y aura autant de pensée dans cette soi-disant absence de pensée qu’en la pensée la plus intense. Il serait donc tout à fait vain de s’appliquer à faire taire sa pensée, à se vider, se laver l’esprit de toute pensée. « L’éveil » n’est pas une entreprise de vidange, ni de blanchissage. Je dis ça, parce que j’ai rencontré une personne qui passait ses jours et ses nuits à faire ça. Je fais monter la flamme de « l’éveil », « l’éveil » fait monter sa flamme, et la pensée succombe, et c’est une chose énorme, et fantastique, que cette mort ! Mais « l’éveil » peut très bien laisser le rêve se déployer (le rêve dont il n’est pas dupe et qu’à tout moment il peut foudroyer) et persister. Alors l’être « éveillé » pourra penser à la mort. Une vérité sur la mort se présentera tout de suite : cette réalité est une hallucination, une pure pensée. Certainement cette position est, vis-à-vis de « l’éveil », la plus rigoureuse et la, plus fidèle sur la question de la mort. Maintenant, si j’accorde réalité à la mort, si j’accepte de me situer au niveau de la pensée qui voit dans la mort une réalité, je pourrai essayer de répondre à la question : qu’est-ce que la mort ? À la lueur de « l’éveil ».

Est-ce qu’il y a une conscience de soi qui s’éveille ?

Mais… cette « chose » est la conscience de soi, c’est la possession de soi, c’est le temps du soi.


[Stephen Jourdain, La vie à l’endroit, dans L’Homme et la Connaissance, Le Courrier du Livre, 1965.]

http://www.revue3emillenaire.com/lire/lire.php?pid=503&art_ident=443

jeudi 22 mars 2012

Eckhart Tolle


"Venir au monde"


Après une première période de sa vie, marquée par l'angoisse et la dépression suicidaire, Eckhart Tolle découvre la vie éternelle et omniprésente au coeur du moment présent. Il réalise alors que l'observation est une voie directe et transformatrice.
Jusqu’à l’âge de treize ans, j’ai vécu dans un état presque continuel d’anxiété ponctué de périodes de dépression suicidaire. Aujourd’hui, j’ai l’impression de parler d’une vie passée ou de la vie de quelqu’un d’autre.

Une nuit, peu après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillai aux petites heures avec une sensation de terreur absolue. Il m’était souvent arrivé de sortir du sommeil en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci c’était plus intense que cela ne l’avait jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles dans la pièce obscure, le bruit lointain d’un train, tout me semblait si étrange, si hostile et si totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui me répugnait le plus dans tout cela, c’était ma propre existence. A quoi bon continuer à vivre avec un tel fardeau de misère ? Pourquoi poursuivre cette lutte ? En moi, je sentais qu’un profond désir d’annihilation, de ne plus exister, prenait largement le pas sur la pulsion instinctive de survivre.

« Je ne peux plus vivre avec moi-même. » Cette pensée me revenait sans cesse à l’esprit. Puis, soudain, je réalisai à quel point elle était bizarre. « Suis-je un ou deux ? Si je ne réussis pas à vivre avec moi-même, c’est qu’il doit y avoir deux moi : le “je” et le “moi” avec qui le “je” ne peut pas vivre ». « Peut-être qu’un seul des deux est réel, pensai-je. »

Cette prise de conscience étrange me frappa tellement que mon esprit cessa de fonctionner. J’étais totalement conscient, mais il n’y avait plus aucune pensée dans ma tête. Puis, je me sentis aspiré par ce qui me sembla être un vortex d’énergie. Au début, le mouvement était lent, puis il s’accéléra. Une peur intense me saisit et mon corps se mit à trembler. J’entendis les mots « ne résiste à rien », comme s’ils étaient prononcés dans ma poitrine. Je me sentis aspiré par le vide. J’avais l’impression que ce vide était en moi plutôt qu’à l’extérieur. Soudain, toute peur s’évanouit et je me laissai tomber dans ce vide. Je n’ai aucun souvenir de ce qui se passa par la suite.

Puis les pépiements d’un oiseau devant la fenêtre me réveillèrent. Je n’avais jamais entendu un tel son auparavant. Derrière mes paupières encore closes, ce son prit la forme d’un précieux diamant. Oui, si un diamant pouvait émettre un son, c’est ce à quoi il ressemblerait. J’ouvris les yeux. Les premières lueurs de l’aube fusaient à travers les rideaux. Sans l’intermédiaire d’aucune pensée, je sentis, je sus, que la lumière est infiniment plus que ce que nous réalisons. Cette douce luminosité filtrée par les rideaux était l’amour lui-même. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et, pourtant, je sus que je ne l’avais jamais vraiment vue auparavant. Tout était frais et comme neuf, un peu comme si tout venait d’être mis au monde. Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m’émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi. Ce jour-là, je déambulai dans la ville, totalement fasciné par le miracle de la vie sur terre, comme si je venais de venir au monde.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent, Guide d’éveil spirituel, Ariane, 2000. 


http://www.revue3emillenaire.com/fr/temoins-deveil/item/127-eckhart-tolle-venir-au-monde.html

lundi 19 mars 2012

Tony Parsons


Un jour, je traversais à pied un parc d’un faubourg de Londres. Je notais alors que j’avais l’esprit entièrement occupé par des projections à propos d’événements futurs pouvant ou non se produire. L’idée me vint de laisser tomber toutes ces projections et d’être simplement à ma marche. Je remarquais combien chaque pas était totalement unique par sa sensation et sa pression et comment, à peine en prenais-je conscience, il disparaissait l’instant d’après pour ne jamais se répéter de la même manière.

Tandis que mon esprit était occupé à ces réflexions, il y eut une soudaine translation – de moi en train d’observer ma marche, à la seule présence de la marche. Ce qui arriva ensuite est simplement au-delà de toute description. Je ne peux que dire, de manière inadéquate en mots, qu’une incommensurable présence tranquille sembla descendre et envelopper toute chose. Tout et chaque chose devint intemporel et je cessai d’exister. Je disparus et il n’y eut plus personne pour faire l’expérience de quoi que ce soit.

L’identité avec l’unicité de toute chose est ce qui se produisit. Je ne peux pas dire que j’étais “un avec” ceci ou cela, car j’avais disparu. Je peux seulement dire qu’une identité absolue avec l’unicité en tout et en chaque chose s’était produite et qu’un amour débordant emplissait tout. Avec cela survint une pleine compréhension de la totalité. Tout cela c’était passé hors du temps en un éclair qui parut éternel.

Il s’en suivit directement une révélation contenue dans cet événement si magnifique et révolutionnaire dans sa nature, que je dus m’asseoir sur l’herbe pour en assimiler les conséquences. Ce que je vis était simple et évident d’une certaine manière, mais complètement intraduisible d’une autre. C’était comme s’il m’avait été donné une réponse qui n’avait pas de question. Il m’avait été montré un secret qui est un secret évident, ouvert ; et que tout et chaque chose, connue et inconnue, contient et reflète ce secret ouvert. La nature, les gens, la naissance et la mort, nos combats, nos peurs et nos désirs sont tous contenus en lui et reflètent un amour inconditionnel.

Pourquoi moi et pourquoi maintenant ? Comment pouvais-je avoir mérité de recevoir un tel cadeau sans rien à donner en retour ? Je n’étais certainement pas pur dans le sens biblique, ou selon tout autre critère reconnu… enfin c’est ce que me suggérait mon esprit. Je n’avais pas vécu une vie disciplinée de méditation ou d’engagement spirituel quel qu’il soit. Cette illumination s’était produite sans aucun effort de ma part ! Il m’était simplement venu l’idée d’observer ma marche, ce qui s’était produit d’une manière facile et naturelle ; et c’est alors que ce trésor avait émergé.

J’en vins aussi à reconnaître que ce don apparent avait toujours été disponible et qu’il le serait toujours. C’était la plus merveilleuse réalisation de toutes ! Qu’absolument indépendamment de l’endroit, du moment ou de l’humeur dans laquelle je pouvais me trouver, cette présence était prête à émerger et à m’embrasser. Ce trésor était à redécouvrir, mais certes pas par des pratiques et rites spirituels ardus et en apparence de grande portée. Pas du tout. Ce merveilleux trésor embrassant et recouvrant tout s’offrait dans l’essence d’un pas, dans le bruit d’un tracteur, dans mon sentiment d’ennui, dans la présence d’un chat assis, dans les sentiments de douleur et de rejet, en haut d’une montagne, ou au milieu de Balham High Street. Où que ce soit, je suis totalement environné et immergé dans la tranquillité, l’amour inconditionnel et l’unicité.


Tout ce qu’il y a est le rien étant tout. Et en part de ce tout, apparaît la croyance et l’expérience au quotidien d’être un soi séparé – un individu apparent disposant d’une volonté, d’un pouvoir de choix et d’une capacité à agir qui lui seraient propres. Ceci est spécifique à l’homme et est appelé conscience de soi. La plupart des gens prennent cela pour la réalité.

Ce sentiment apparent d’être séparé est à la racine de la souffrance, du mal-être et du sentiment de perte qui conduisent à chercher à y échapper ou à résoudre la situation. C’est l’Etre rêvant qu’il est séparé de lui-même, cherchant urbi et orbi un tout qui n’a jamais cessé d’être. C’est le rêve hypnotique de séparation qui, pour le rêveur, est très réel.

Le dilemme pour le rêveur en recherche est que le sentiment de séparation gouverne la quête de solution ce qui alimente plus avant le sentiment de séparation.

Le développement d’un « esprit » intelligent et capable de compréhension s’accompagne apparemment du pouvoir d’opérer des choix et des actions en une tentative de négocier avec le monde. Ces tractations ne sont pas toujours couronnées de succès et l’individu semble faire l’expérience de souffrances et de plaisirs qui lui seraient propres.

Tout ceci engendre également chez le rêveur une grande considération pour les conseils, les orientations et le contrôle qui émanent en apparence de l’esprit-qui-comprend. Toutefois, tant qu’il y a un sens de la séparation, il subsiste un sentiment d’insatisfaction ou de perte et une recherche visant à le dissiper.

L’entité séparée ne peut que tenter d’imaginer ou de projeter ce à quoi ressemble de ne pas être séparé. Ce qui est recherché est la possibilité d’un but ou d’un état futur pouvant être réalisé et qui, par conséquent, et en toute logique, doit être approchable. A partir de là, la fonction de la recherche et l’enseignement tourné vers le devenir, enferment le chercheur dans un état de constante aspiration à se rapprocher de quelque chose qu’il ne peut saisir. Tout cela est expression de l’Etre, se manifestant en tant que ce bon vieil esprit-qui-comprend, fiable et digne de confiance, fonctionnant de la seule manière qu’il connaisse… en perpétuelle agitation et constante anticipation. C’est cette activité tournée vers le devenir qui très efficacement maintient le chercheur dans le rêve hypnotique d’un élan vers quelque chose qu’il ne peut saisir.

Bien sûr, la Libération peut, apparemment, survenir, totalement à son gré en dépit de tous ces efforts.

Le seul autre espoir pour le rêveur, pour l’apparent chercheur spirituel, est de croire en une énergie bienveillante (disons Dieu, la Conscience ou un soi-disant maître illuminé) qui puisse être motivée pour le guider et choisir de l’influencer tout au long d’un cheminement finissant par conduire à la plénitude. Mais Il n’est aucun choix à quelque niveau que ce soit. Toutes ces idées de devenir, de but, de dessein, de choix et de destinée naissent au sein du rêve.

Le paradoxe tient à ce que l’Etre bien qu’apparaissant en tant que rêveur en recherche, n’est pas un état qui puisse être imaginé, conçu, atteint ou même réalisé à travers une quête dont il ferait l’objet. Etre ne requiert absolument rien… il est le Rien et le Tout - déjà complétude et plénitude immaculées. Rien n’a besoin d’être transformé ou atteint, abandonné ou trouvé, pour qu’Etre simplement Soit. L’apparence de séparation est simplement l’expression de l’Etre. L’idée même de quelque chose qui aurait besoin d’approcher ce qui est déjà, est merveilleusement futile. L’Etre est un comédien au public qui ne rit jamais.

Le chercheur rêvé éprouve un sentiment de perte et d’indignité et de ce fait se trouve très attiré par les enseignements dans le rêve qui impliquent la purification, l’effort soutenu, l’abandon, la dévotion et la culture de la renonciation et le détachement.

Il y a une sorte d’inéluctabilité logique et d’indéniable honorabilité attachée à ces notions qui résonnent avec le sentiment de manque. La voie quasi sans fin de l’effort assure joyeusement la prorogation de l’expérience individuelle. Ces idées semblent émaner directement de l’histoire d’une sagesse traditionnelle parfaitement cohérente et digne de foi et qui assurément doit être respectée, quand bien même elle ne nous parviendrait plus qu’en tant que mots couchés sur des bouts de papier.

Deux voies traditionnelles s’attachent à résoudre ou à échapper au sentiment de séparation : la méditation et le questionnement de soi.

Dans la méditation, il semble possible, par l’intermédiaire d’une guidance et de choix apparents, d’atteindre certains états de tranquillité ou de béatitude qui semblent meilleurs que le sentiment de séparation. La croyance prévalente est que l’effort assidu à la méditation va cristalliser l’état et finira par le rendre permanent. Mais ces états ne sont que des expériences personnelles subtiles survenants à l’intérieur de l’histoire rêvée. Ainsi à l’instar de toute autre activité inscrite dans le temps, ces expériences apparaissent et disparaissent.

Le questionnement de soi est un processus similaire dans le sens où l’individu à pour but de choisir d’agir ou de faire un effort pour atteindre un endroit nommé conscience qui, son maître le lui promet, apportera paix de l’esprit, joie et fin de toute souffrance.

Une grande importance est attribuée à la nécessité de mener une investigation rigoureuse des processus de pensées, etc. et de maintenir une vigilance prévenant « la distraction par des pensées centrées sur soi. »

Toute cette activité se fonde sur le principe de l’acquisition et du maintien d’une possession personnelle de l’unicité.

L’effet de l’état conscient est un mouvement apparent vers un plan de détachement qui à première vue semble très libérateur, puissant et sécure… Un peu comme être dans une cage de verre d’où la vie peut être observée sans que l’observateur soit jamais affecté. Cela demeure une expérience personnelle subtile empreinte de dualité, se déroulant au sein de l’histoire rêvée de la séparation. De ce fait elle est transitoire.

La conscience du déroulement de la vie n’est pas Etre la vie.

De façon prévisible, la conscience de soi (la présence à soi des bouddhistes) est facilement oubliée, perdue, ou encore submergée par les pensées du rêve ou par certaines situations fortement émotionnelles. La cage de verre est ébranlée et l’endroit où vous sembliez établi paraît à nouveau perdu. Le chercheur rêvé va se remettre au questionnement de soi, en quête d’un nouveau coup de pouce, à moins que ne soit réalisé que la culture de l’état conscient n’est simplement qu’un autre refuge au sein du rêve de la séparation.

Tout cela est simplement l’expression de l’Etre.

Une autre façon pour le rêveur d’éviter d’être, simplement, est de tenter de comprendre ou d’éclaircir sa propre nature. Il est très facile de se retrouver prisonnier de concepts non duels. La singulière et inexorable réitération de notions telles que « tout ce qui est, est Etre », « Tout est expression de l’Etre» ou « il n’est personne » est une forme de communication aride et simpliste. Elle n’aborde ni n’éclaire l’apparent dilemme du chercheur du rêve, et de toute évidence ignore l’essence énergétique primordiale de la vie se vivant elle-même, implicite dans le simple fait d’Etre.

Dire constamment qu’être éveillé ou assoupi n’a aucun sens puisque « Etre est tout ce qui est » est comme dire à un aveugle que son état n’est pas un problème puisque « voir est tout ce qui est » C’est de l’idéalisme pur. Bien sûr, il n’existe rien de tel qu’être assoupi ou éveillé, mais cela ne peut être vu avant la disparition de celui qui cherche à voir.

...

Il est possible que puisse surgir la clarté, mais l’ultime compréhension n’est pas la libération. Cela dit, tout cette communication conceptuelle est secondaire en regard d’un élément primordial très illuminant. C’est élément est du domaine énergétique, il s’agit du déploiement impersonnel de la vie… la vibrante merveille implicite dans le simple fait d’Etre. C’est un déplacement énergétique, conduisant apparemment hors de la contraction vers l’illimité. Ce « sans limite » ne peut être possédé et par conséquent ne peut être concédé. Sa simplicité confond profondément l’esprit, mais il en émerge une reconnaissance impersonnelle qu’il n’est personne et rien à libérer. Toute idée de séparation, de souffrance individuelle, de libre-arbitre, de choix autonome, de sens, de dessein ou de but, de destiné, de hiérarchie et de tradition est simplement vue, par personne, comme le drame rêvé de l’Etre.

Il semble que l’esprit en recherche éprouve une fascination pour la lutte, la difficulté et la complexité. Tout le tissu de la « recherche spirituelle » est truffé d’histoires de constructions impressionnantes, apparemment reposant sur des débuts modestes. Le bouddhisme, la chrétienté et combien d’autres dogmes se disputent le fait d’avoir les meilleurs dieux. Les catéchismes du péché et de l’indignité, tout comme les notions de degrés de conscience et de niveaux d’éveil, sont inventoriés, questionnés, explorés, disséqués et font l’objet de farouches affrontements.

L’esprit adore l‘idée d’une illumination qui serait une sorte de lieu distant, virtuellement inatteignable, un espace parfait de félicité permanente, libre de toute souffrance et empli d’omniscience, d’omniprésence, d’omnipotence et de toute une ribambelle d’autres « omnis » très importants, affairés au calcul des tenants et aboutissants et déterminés à sauver le monde. Et bien sûr, comme toute cette gloire et cette distinction doit être conquise de haute lutte, il semble naturel qu’elle soit assortie d’une interminable errance dans les affres de « l’obscure nuit de l’âme », d’innombrables karmas passés, du péché originel, de la pensée juste, de l’action juste et de la préparation aux bardos. « Un conte narré par un sot, plein de bruit et de fureur, mais n’ayant aucun sens. »

Pourtant, Etre, simplement et naturellement Etre, est une constante tellement ordinaire et empreinte de tant de douceur. Quand cela est vu, c’est. Quand cela passe inaperçu, c’est.

Etre ne nécessite aucun effort et ne requiert aucun critère. Intemporel, il n’est pas de voie à épuiser, pas de dettes à payer. C’est déjà totalement su. Quand ceci est entendu et que la confusion se dissipe, quand la tension pour s’emparer de l’ultime se relâche et que la vibrante énergie d’être « la vie même se déployant » devient apparente, quelque chose d’autre émerge, de façon très naturelle, bien sûr, car il s’agit de tout ce qui déjà est.

Tony Parsons

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