vendredi 24 février 2012

Francis Lucille


 En 1973, Francis Lucille découvre la sagesse orientale à travers les textes védantiques et bouddhistes. Cette découverte déclenche une profonde quête d’identité qui trouve sa résolution peu de temps après sa rencontre avec son maître spirituel (Jean Klein) qui a lieu en 1975. Il anime des séminaires en Europe et aux Etats-Unis où il réside.

Parfois, il m’arrivait d’avoir un avant-goût d’une conscience illimitée, notamment lors de la lecture de textes advaïtiques ou bouddhistes, ou lors de réflexions profondes sur la perspective non-duelle. Elevé par des parents matérialistes et antireligieux, et rompu à l’étude des mathématiques et de la physique, j’étais à la fois peu disposé à adopter une croyance religieuse quelle qu’elle soit, et méfiant envers toute hypothèse qui n’aurait pas reçu une validation scientifique ou logique. Une conscience illimitée et universelle me semblait être une croyance ou hypothèse de cet ordre, mais je demeurais ouvert à cette éventualité. Le pressentiment de la conscience illimitée était en fait la source d’énergie qui alimentait ma quête. Deux ans après le premier aperçu, cette possibilité avait pris une position centrale dans ma recherche.

C’est à cette époque qu’eut lieu un changement radical, un retournement copernicien. Cet événement, ou plus précisément, ce non-événement, est isolé, autonome, sans cause. La certitude qui en découle a une force absolue, une force indépendante de tout événement, de tout objet ou de toute personne. Elle ne peut se comparer qu’à notre certitude intime d’être conscient.

J’étais assis dans mon studio, méditant en silence en compagnie de deux amis. Il était encore trop tôt pour préparer le dîner, notre prochaine activité. N’ayant rien à faire, n’attendant rien, j’étais disponible. Mon esprit était libre de dynamisme, mon corps détendu et sensible, bien que je sente un léger inconfort dans la nuque et le dos.

Au bout de quelque temps, Yvan, l’un de mes amis, entonna à l’improviste un chant traditionnel sanscrit, le Gayatri Mantra. Les syllabes sacrées entrèrent mystérieusement en résonance avec ma présence silencieuse qui sembla devenir intensément vivante. Je sentis un désir profond s’élever en moi, en même temps qu’une résistance m’empêchait de vivre pleinement la situation, de répondre de tout mon être à cette invitation de l’instant, et de m’y fondre. Au fur et à mesure que l’attirance mystérieuse suscitée par le chant augmentait, la résistance elle aussi s’accroissait, peur grandissante qui devint bientôt une terreur intense.

A ce point, je sentis que ma mort était imminente, et que cet horrible événement allait être déclenché sans coup férir par le moindre lâcher prise, le moindre abandon à la beauté promise par le chant. J’étais à la croisée des chemins. A la suite de ma quête spirituelle, le monde et ses objets avaient perdu toute attraction pour moi. Je n’en espérais rien de substantiel. J’étais l’amant exclusif de l’absolu, et cet amour me donna le courage de plonger dans le grand vide de la mort, de mourir pour l’amour de cette beauté, si proche maintenant, cette beauté qui m’invitait par-delà les mots sanscrits.

La terreur intense qui m’avait saisi dénoua instantanément son étreinte et se mua en un flux de sensations corporelles et de pensées qui se mirent à converger vers une pensée unique, la pensée « je », tout comme les racines et les branches d’un arbre convergent vers leur tronc commun. Dans une aperception quasi simultanée, l’entité personnelle à laquelle je m’identifiais jusqu’alors se révéla en totalité. Je vis sa superstructure, les pensées nées du concept « je » et son infrastructure, les traces de mes peurs et de mes désirs au niveau physique. L’arbre entier était maintenant contemplé par un œil impersonnel. La superstructure des pensées et l’infrastructure des sensations corporelles s’évanouirent rapidement, laissant seule la pensée « je » dans le champ de la conscience. Pendant quelques instants, encore, la pure pensée « je » sembla vaciller, telle la flamme d’une lampe dont l’huile vient à manquer, puis s’éteignit complètement.

A ce moment précis, le fondement intemporel de mon être se révéla dans sa splendeur immortelle.


Francis Lucille  

["Le sens des choses, Entretiens sur la non-dualité"(Accarias L’Originel)]


http://www.revue3emillenaire.com/fr/temoins-deveil/item/110-francis-lucille.html

http://www.francislucille.com/french.html
 

Michel Siciliano


L’homme peut-il être assimilé à un robot ? Si oui, à partir de quand cela se met-il en place chez un être humain et pourquoi ?

Je dirais que la première grande raison qui nous conduit à être la plupart du temps dans les répétitions et les réactions automatiques à tout, est que nous sommes inconscients. Nous n’avons vraiment aucune idée que nos réactions, que ce que nous faisons, ce que nous disons, la manière dont nous le disons, que tout cela est mécanique. Ce sont des processus appris. Ces mécanismes sont issus de nos programmes.
Ce sont des choses que nous avons apprises depuis notre naissance, et même avant. Quand nous étions dans le ventre de notre mère, nous avons commencé à apprendre différents types de réactions car nous pouvions entendre. Nous pouvions entendre comment notre mère réagissait à certaines choses, à certaines énergies, et cela nous a programmé. Plus tard, nos expériences en tant que bébé nous programment. (…).

Ainsi, ces programmes s’impriment en nous dès notre plus jeune âge : l’information entre, affecte la personne, et par la suite ce mécanisme se reproduit encore et encore, année après année.
On pourrait dire que nous sommes comme un ordinateur, dans lequel vous insérez tous les programmes que vous voulez, tous les programmes avec lesquels vous voulez travailler. Un ordinateur fera exactement ce pourquoi il est programmé. Il vous redonnera ce que vous lui demandez, ce que vous lui avez appris.

 Nous sommes tout à fait comparables à cela. Tels des robots. Nous n’agissons pas qui nous sommes car nous ne savons même pas qui nous sommes, nous ne nous connaissons pas. Nous avons perdu tant de cela étant enfant. Nous ne comprenons pas que ces réactions ne sont pas nous, nous pensons qu’elles sont nous. « Mais si, c’est moi, c’est moi qui les agis, donc cela est moi ! » Alors que ce sont simplement des actions et paroles – ou plutôt des réactions - automatiques. Quand nous sommes dans les mécanismes automatiques, il n’y a point de relation ; il n’y a que des scénarios imprimés en nous qui se répètent tout au long de notre vie, qui colorent chaque aspect de notre vie si nous ne faisons rien pour devenir conscient de cela, pour devenir conscient de qui nous sommes vraiment. pour le restant de notre vie. (…).

Un seul évènement suffit à induire en nous un comportement automatique, inconscient.
Ces automatismes vont affecter non seulement nos actions, mais jusqu’à nos pensées et nos paroles, et ce à tout moment de la journée ?
Oui. Nous grandissons pensant que nos actions, nos paroles, nos pensées, sont nous. Nous grandissons en nous identifiant à ces programmes, à ces mécanismes, à ces réactions automatiques. Cela est notre conditionnement. Commencer à prendre conscience de cela, c’est la possibilité de s’ouvrir à l’humain en soi, à la relation au lieu de la réaction, à être responsable au lieu de victime.
Alors au final, dans le monde inconscient, ce n’est pas tant la situation ou la personne en face qui nous intéresse vraiment, c’est plutôt en quoi la personne ou la situation va me permettre d’entretenir mes programmations et mécanismes. De ce fait, mes actions, paroles, pensées, sont déconnectées de qui je suis, et sont connectées aux croyances, illusions et mécanismes auxquels je m’identifie et que j’entretiens tout au long de ma vie.
Oui. Un exemple : je suis quelqu’un de colérique. Je parle à quelqu’un qui ne m’écoute pas, pas vraiment. Cela crée de la frustration en moi. Je n’exprime pas ce que je ressens, et voilà la parfaite occasion pour activer ma colère et pour blâmer l’autre de ne pas m’écouter. Voilà un exemple de comment j’utilise une situation extérieure pour activer un mécanisme, ici l’émotion de la colère, au lieu de communiquer et prendre soin de ce qui se passe vraiment en moi : le besoin d’être écouté (…).
Qu’est-ce qui peut alors aider un enfant à grandir pour devenir vraiment lui-même, et non pas devenir un ensemble de réactions automatiques que l’entourage et la société auront imprimé en lui selon ce qu’ils veulent que l’enfant devienne ?
    
S’il est donné de l’espace à l’enfant et que celui-ci est élevé de manière consciente, la combinaison des deux permet à l’enfant d’apprendre par lui-même. « Ne mets pas la main dans le feu, tu vas te brûler » : l’enfant n’a jamais encore fait l’expérience du feu, mais le parent a tellement peur, que l’enfant ressent une peur non naturelle en lui. Alors que si l’on permet à l’enfant de faire l’expérience du feu, de la flamme, sous la bienveillance de l’adulte, l’enfant fera lui-même l’expérience que c’est chaud, même très chaud. Et il n’aura pas toute cette peur autour de lui en anticipation qu’il « pourrait se brûler ». L’enfant aura appris de lui-même que s’il met la main dans le feu, il aura mal. Alors donner à l’enfant de l’espace, l’espace pour apprendre par lui-même, pour ressentir et pour se sentir confortable avec le sentiment qu’il reçoit, quel qu’il soit, donner à l’enfant autant de conscience que possible, va lui permettre de grandir le plus possible dans le respect de qui il est vraiment.

Alors pour les personnes qui ont été pleinement programmées, ce qui est le cas pour la plupart d’entre nous, si nous sommes tels des robots : où est l’être humain dans tout cela ?
Caché à l’intérieur. Très bien caché. Caché derrière tous ses programmes, derrière tous les jeux du mental pour maintenir la personne dans les programmes, derrière toutes les manipulations du mental pour maintenir la personne dans sa ‘zone de confort’ (notre zone de confort se réfère à tout ce avec quoi nous avons été élevé, aussi inconfortable puisse-t-elle être).

L’être humain est caché derrière différentes couches, comme un oignon. L’être humain est là, à l’intérieur, sauf qu’il est recouvert, ce qui le fait ressembler plus à un robot qu’à un humain.
En quoi peut-on considérer l’aspect positif de nos programmations ?
Il y a un côté positif au fait que l’être humain soit si programmable : cela montre combien nous sommes réceptifs, que nous assimilons tout ce qui se passe. C’est seulement négatif lorsque vous ne savez pas que c’est le robot en vous qui agit, quand vous n’en avez pas conscience. Mais une fois que vous en avez conscience et que vous êtes présents dans le moment, vous pouvez agir sur l’information qui arrive à vous sans que celle-ci n’ait à devenir un programme ; cette information peut être utilisée par l’être humain. Cela est très positif, cela montre l’intense capacité d’un être humain, qui peut utiliser tout ce qu’il reçoit.

Cela devient un problème lorsque c’est l’information qui nous utilise. Si nous recevons une information, et que nous ne réalisons pas que nous avons reçu une information, que celle-ci est entrée dans notre programmation, alors cette information nous mène. Ce qui se rapporte aussi au mental : est-ce notre mental qui nous utilise ou utilisons-nous notre mental ? Tout est une question de conscience, de capacité à être présent dans le moment.
Alors comment pouvons-nous arrêter cette chaîne de réactions automatiques, sur lesquelles nous bâtissons un faux sentiment d’identité, et qui nous empêche de voir qui nous sommes vraiment ?

En commençant par changer des habitudes, vos mauvaises habitudes, les habitudes automatiques. Par exemple, si vous avez l’habitude de commencer des choses sans les terminer, vous entreprenez de terminer ce que vous commencez.
S’agit-il donc de se déprogrammer, pour se transformer en qui on est vraiment ?   
 
Oui. Nous avons besoin d’arrêter les anciennes habitudes, celles qui sont connectées à nos programmes et d’entreprendre de nouvelles habitudes, les habitudes d’un adulte. Après avoir fait ce processus, nous nous donnerons l’espace pour nous voir vraiment, pour voir ce qui émerge. Par exemple : si nous n’aimons pas quelqu’un qui est fort avec nous énergétiquement, et que notre habitude était de nous taire et de nous retrancher de la relation, une nouvelle habitude pourrait être d’être devant cette personne, l’écouter, ne pas prendre ce qu’elle dit personnellement et répondre comme un adulte. Cette nouvelle habitude ne fait pas partie de votre programme. Cette nouvelle habitude vous donnera à vous, ainsi qu’à l’autre, l’espace pour être différent. Vous pouvez essayer de faire cela seul, mais mon expérience me montre que l’on a besoin d’aide. Ce n’est pas une affaire facile de changer une vieille mauvaise habitude.

Donc ta question est en effet véritablement le processus qui aide la personne à se trouver.
Et l’auto-observation ?
Oui, vous vous observez. Mais avez-vous la force pour aller contre, pour batailler avec tous ces démons qui essaient de vous maintenir exactement tel que vous êtes ? Ces démons, déguisés sous forme de mauvaises habitudes, de choses apprises depuis l’enfance, avez-vous la force pour les combattre ? Vous le ferez peut-être pendant un temps, mais sur la durée ? L’observation de soi est bonne si elle est utilisée dans un contexte de changement.

Alors l’observation de soi, à elle seule, ne suffit pas, elle doit accompagner un désir de changer ?
Exactement. Sans le désir de changer, la plupart des personnes qui s’observent ne vont nulle part. Cela demande de développer la force d’aller plus loin. Le désir de se voir, de voir ce que l’on est à tout moment donné. C’est douloureux de se voir faire toutes ces choses qui ne sont pas nous. C’est avoir le courage de les voir, de les traverser, et d’aller de l’autre côté.
Souvent, nous changerons nos circonstances extérieures pour préserver l’équilibre de nos programmes, comme par exemple, changer de conjoint, de patron, etc. C’est ce que font la plupart d’entre nous : nous quitterons une situation, blâmant cette situation, et bien souvent cette ‘fuite’ est un moyen qui nous permet de rester dans nos mécanismes.

Oui. Un moyen de nous permettre de demeurer un robot. Beaucoup de personnes se séparent, quittent leur conjoint, leur travail, partent, partent, partent. Alors que si elles restaient, si elles travaillaient sur la situation au lieu de fuir, il se peut qu’elles découvrent quelque chose de très différent sur elles-mêmes et sur la vie. Dans beaucoup de cas, si la personne reste, sans changer de partenaire ou de patron, elle va traverser la situation, devenir plus forte, comprendre plus, ressentir plus, et être plus en paix que si elle part. Une personne qui ressent le besoin de changer quelque chose dans sa vie, si elle traverse d’abord la situation, qu’elle accepte d’abord de voir ce qui est là pour elle, soit par la suite le changement en question n’a plus lieu d’être, soit il se fera d’une manière très différente, en conscience.

Parce que la fuite n’est ni plus ni moins le mécanisme à l’œuvre, qui maintient dans le changement constant. Vous restez un robot. Votre mental vous mène. L’ordinateur vous mène. Vous n’avez pas le contrôle de votre mental. Votre mental vous utilise, vous n’utilisez pas votre mental. C’est à cela que tout se résume : au mental. Vous faites toutes ces choses par habitude, à répétition, année après année, car c’est le mental qui vous utilise.

Si nous observons attentivement, nous verrons que finalement, quelle que soit la personne ou la situation, nos schémas ou croyances sont invariablement et mécaniquement ravivés. Et avec cela, le lot de souffrances qui les accompagnent. Alors souvent, pour mettre un terme à la souffrance, nous cherchons à changer la situation, ou à changer de partenaire, à changer l’extérieur, jusqu’à ce que tôt ou tard, la mécanicité finisse par recommencer dans cette nouvelle situation. Nous restons aveugles à la réalité de ce qui est, et nous cherchons à changer l’extérieur au lieu d’utiliser celui-ci pour aller regarder ce que, en soi, nous avons besoin de rendre conscient.

Et nous pensons que ces automatismes sont nous. 
   
Exactement. Et ce ‘nous’ là ne pourrait, en fait, être plus éloigné de la vérité.
Alors que sommes-nous, si nous ne sommes pas toutes ces choses ?
Un être humain qui pense librement, qui utilise son mental pour accomplir des choses. Les amérindiens disent « nous devenons un être humain » (ce que nous appelons le processus de devenir conscient).
Comment s’appeler être humain si votre mental vous régit ? Si vous ne voulez pas être tel un robot, apprenez à utiliser votre mental au lieu de vous laisser utiliser par celui-ci. Apprenez à faire taire le mental, à le mettre au repos.

Tu proposes d'arrêter le mental. Mais qui en moi reçoit cette injonction ? Est-ce le mental ? Il me semble que cette injonction ne peut qu’être prise sur un plan horizontal : "Ah oui, c'est vrai, je vais essayer d'arrêter le mental pour que ça aille mieux". Le mental peut-il arrêter le mental ? N'y a-t-il pas un risque que cette proposition provoque le refoulement et l'écrasement des pensées, au risque d'abîmer la fonction de la pensée ?

Lorsqu’une personne envisage ne serait-ce que de réfléchir à comment arrêter le mental, elle a déjà certainement quelques bases d’une éducation sur le plan spirituel (qu’il s’agisse d’une éducation de personne débutant sur le chemin ou d’une éducation de personne relativement mature sur le chemin). En général ce n’est pas n’importe qui, qui peut dire « je veux arrêter mon mental ». Ce n’est pas n’importe quel passant dans la rue qui va considérer une telle question. Même le grand public qui lira cet article, qui s’intéresse à La Revue du 3ème Millénaire, a une ouverture dans le domaine humain, spirituel.
Aussi, avec cette éducation, une personne est quelque peu ouverte et disponible pour travailler sur soi, pour essayer d’arrêter le mental. Il ne s’agit pas de réprimer le mental au point d’être comme un légume, de ne plus pouvoir réfléchir, de ne plus être capable d’utiliser la fonction de la pensée. Cela ne marche pas ainsi.

Premièrement, arrêter le mental est très difficile, vous pouvez essayer cela pendant des années et le mental ne s’arrêtera pas comme ça. Mais vous pouvez utiliser ces années-là pour travailler des pratiques permettant de commencer à arrêter le mental.

Une pratique allant dans ce sens est, à un premier stade, non pas d’essayer d’arrêter le mental mais d’arrêter de suivre la pensée : lorsqu’une pensée arrive, ne suivez pas la pensée. Si vous ne suivez pas la pensée, vous ouvrez alors un espace pour un léger ‘blanc’ avant la pensée suivante.
Pratiquer ainsi est une méthode. Si vous poursuivez dans cette pratique, le mental va progressivement commencer à relâcher l’emprise de fer qu’il a sur vous, il commencera à arrêter le flot incessant des pensées complètement inutiles. C’est vraiment assez simple.

Très rares sont les personnes capables de simplement arrêter le mental, d’arrêter le flot incessant des pensées parasites et inutiles qui écartent du présent, de ce qui est. D’autant plus que, plus on vieillit, plus on est pris dans ce programme de pensées incessantes.

Il n’y a absolument pas d’inquiétude à avoir quant à la perte éventuelle de l’usage de son mental, de la faculté de penser. Dans toutes mes années sur le chemin de la conscience, je n’ai jamais entendu une telle chose concernant les personnes travaillant à arrêter leur mental.
Ce serait même, je dirais, l’inverse. En redonnant au mental sa juste place, cela permet d’être pleinement disponible à ce qui est. Dès lors, nous faisons simplement appel au mental pour traiter, résoudre des situations, au lieu de se laisser constamment emmener par lui. Le mental n’est pas à bannir car il est un outil formidable, utile et nécessaire, dont nous avons besoin. Ainsi, pour répondre à la question ‘qui arrête le mental ?’, c’est en partie la conscience, en partie un désir réel d’arrêter le mental, et c’est en effet en partie le mental qui donne l’ordre. Mais ce n’est pas l’un ou l’autre, ce n’est pas blanc ou noir. Si c’est le mental seul qui le pense et le dit, alors c’est impossible pour le mental de s’arrêter lui-même. Chez toute personne qui va tenter une telle chose, c’est une question de discipline, une question de volonté et de désir d’avoir réellement moins de pensées dans sa tête, d’avoir de l’espace, de ne plus être submergé par le flot continu des pensées.

 Tout apprentissage requiert généralement de la discipline, d’une manière ou d’une autre (apprendre un sport, un métier, un instrument, à conduire, etc.). De la même manière, cela demande une discipline de travailler sur notre mental, afin de créer l’espace pour pouvoir être présent à ce qui est.

Si l’on est plus présent, moins utilisé par son mental, peut-on dire que l’on est davantage un être humain, dans le cœur ?

Oui, si vous êtes présent, vous être dans le corps, dans le cœur ; si vous n’êtes pas présent, vous êtes dans votre tête, à constamment réfléchir, sans être présent et disponible pour ce qui est.

Alors qu’est-ce être présent ?     

Arrêter le mental, être là pour toute chose qui émerge. Quand vous êtes présent, vous pouvez ressentir. Vous êtes véritablement disponibles à ce qui est. Quand vous êtes dans la tête, c’est la même chose qui se reproduit encore et encore. Vous êtes tel un robot, c’est mécanique, il n’y a pas de spontanéité, pas de création, pas de vie. Vous êtes dans le monde des freins et des limitations du mental. Quand vous êtes présent, vous êtes toujours dans la création. Vous êtes dans la vie. Vous êtes dans le monde des possibles, sans limites. Vous êtes dans votre essence d’être humain.

(Propos recueillis et traduits par Mariam Siciliano)

http://conscienceetpresence.com/

mardi 21 février 2012

Betty


 « L’être ne s’éveille pas : il arrête de rêver qu’il existe en tant que pensée individuelle et se fond complètement dans le tout. »

Betty vit au Québec et jusqu’en Octobre 2008, malgré un questionnement existentiel et quelques recherches pour tenter de trouver des réponses, elle n’avait suivi aucun enseignement spirituel, aucun maître, aucune religion ni aucune philosophie particulière. L’éveil spontané qu’elle a alors connu fut pour elle un bouleversement complet de son existence. Depuis lors, Betty écrit, tient un blog et donne des conférences.

St. Jean sur Richelieu 6 octobre 2008, le basculement.
Il est cinq heures du matin le 6 octobre 2008. Je dors profondément  dans mon appartement de St. Jean sur Richelieu en grande banlieue de Montréal, au Québec. Je dors, mais parallèlement je vis un bouleversement monumental. À l’accoutumée et depuis ma plus tendre enfance, ma phase de réveil matinal se produit en deux temps. Premièrement, je prends conscience de mon environnement de l’intérieur puis je demande à mon corps de s’activer, de se réveiller.  Le tout se succède en quelques secondes, je passe chaque matin par ces deux phases de démarrage selon un mécanisme bien huilé faisant partie de moi et je suis complètement à l’aise avec ce processus.
Mais ce matin tout va de travers. Mon processus de réveil ne répond plus, j’essaie de prendre conscience de mon environnement de l’intérieur et de réveiller mon corps, mais quelque chose me garde à l’intérieur, quelque chose empêche le réveil du corps. Pourtant je suis en pleine lucidité, je suis consciente, mais je n’arrive pas à ouvrir les yeux, je sens un grand malaise, comme si j’étouffais. « Ça y est », me dis-je, « je suis en train de mourir, je manque d’air, je fais une crise cardiaque ». Je suis à la veille de trépasser, mais je ne ressens aucune panique, je suis capable d’en mesurer l’intensité, j’accepte ça calmement et je laisse aller. Je me laisse glisser et j’abandonne sans remords tout ce qui a été ma vie, mon corps, tout ce qui était Betty.
J’ai senti comme un grand remous qui partait des pieds pour arriver à la tête, c’était le constat d’un processus qui s’installait, une invitation à sortir de mon corps, à l’abandonner, j’étais prête à le faire et je reconnaissais ça froidement comme la venue de la mort.
Cela faisait déjà un mois que j’étais dans cet état d’esprit, je regardais les choses se produire autour de moi et j’avais la volonté de ne pas agir, je laissais faire, j’étais prête à accepter tout tel quel, cela n’avait pas d’importance, c’était comme un raz le bol général, je ne me sentais pas concernée par quoi que ce soit.
Je commençais à constater que je m’étais trompée sur moi-même, je me disais : « ça ne marche pas mon histoire, c’est quoi la suite, rien ne fonctionne, mais je m’en fiche et ce qui se passera ensuite n’a pas d’importance ». J’étais dans une attitude d’acceptation totale, stressée, extrêmement fatiguée et j’avais sans arrêt des sensations d’étouffement, comme si je subissais une pression à la base du cou juste en dessus du sternum.
À l’instant où je me laisse glisser, je me retrouve debout à côté de mon lit à regarder mon corps souffrir. Il a des convulsions et je me dis : « ce n’est pas possible de souffrir comme ça », je constate cette chose qui tressaute et souffre à côté de moi, mais je ne m’assimile pas à ça, je n’ai aucune émotion, je regarde simplement.
Alors voilà, c’est simple je suis en train de mourir et je l’accepte sans panique, je me laisse aller dans la mort d’une manière sereine, pas de lutte, pas de protestation, rien, seulement l’observation d’une situation. « Allons-y ! Je suis prête ».
Le décor change brusquement. J’observe deux moi-même se faisant face autour de la table de la salle à manger, l’un est debout, l’autre assis.
Je résume : il y a mon corps qui est allongé dans mon lit et qui souffre, il y a un premier moi qui observe ce corps et qui en même temps regarde deux autres moi qui se font face dans la salle à manger. Nous sommes quatre à intervenir en même temps, un moi qui joue le rôle de  pivot et qui perçoit, un corps qui souffre, un moi qui est toute émotion et un moi qui est rationnel et autoritaire, et le tout dans une perception globale, le tout faisant partie de moi. Ce n’est pas un observateur qui prend de la distance, non, tout est inclus et en même temps distinct et identifiable.
Le moi émotif et le moi rationnel étaient les deux facettes de ma personnalité depuis toujours. Quand le moi émotif souffrait trop, qu’il y avait danger d’anéantissement en regard des épreuves subies, le moi rationnel prenait les choses en main, effectuait les changements de cap pour que tout redevienne supportable, jusqu’à la prochaine crise du moi émotif, et à nouveau le moi rationnel entrait en jeu pour faire les changements, les ruptures nécessaires et remettre tout en ordre. J’ai fait ça toute ma vie : « tu souffres et il y a danger de déséquilibre, on va changer d’environnement, on va changer d’espace, de métier, d’amis, etc. ».
Quand je parle de souffrance et de danger de déséquilibre, je parle d’évènements qui auraient pu me déstabiliser au point que je devienne non fonctionnelle, au point que j’aie à être enfermée en institut. Toute ma vie jusqu’au basculement je suis restée sur cette ligne, en équilibre entre mes mondes et ce qu’on pourrait appeler la raison.
Le moi pivot regarde le moi émotif et constate une grande concentration de douleur, le moi émotif se plaint : « je n’en peux plus de toujours chercher à savoir qui je suis  et à ne jamais réussir ». Beaucoup de larmes, une douleur intolérable. « Je suis seule, personne ne s’est occupé de moi, l’enfance a été difficile pour moi, mais j’ai survécu et ça continue encore cet emprisonnement malgré mon acharnement à vouloir me sortir de là,  je ne réussirai jamais ! »
Il y a beaucoup d’émotions et de sincérité dans ce constat, j’avais cherché honnêtement qui j’étais, j’avais tout essayé et rien ne marchait, je me sentais complètement vide, j’avais une grosse sensation de stress, une sensation de douleur immense, d’étouffement à la base du cou. J’avais essayé de par mes lectures et mes recherches ésotériques à guérir les souffrances de la petite fille pieuse qui m’habitait depuis toujours, à comprendre pourquoi je vivais dans plusieurs mondes à la fois. Mais c’était le constat d’échec. C’était l’ultime épuisement.
Le moi rationnel debout en face, à l’autre bout de la table, pointe du doigt le moi émotif et lui dit : « Tais-toi, arrête de te plaindre ça suffit ! ». Il avance en le menaçant. Il y a de l’exaspération presque de la violence  dans sa voix; c’est un ordre.
Le moi rationnel, c’était la partie de moi qui trouvait des solutions, le combattant qui se ressaisissait en deux secondes. Déjà, étant petite, quand j’étais malheureuse, c’était celui qui érigeait les barrières, qui me construisait un sanctuaire intérieur où rien ni personne ne pouvait m’atteindre. C’était mon mécanisme de survie qui me disait, quand c’était trop douloureux : « on s’en va, on ne reste pas là, c’est dangereux pour toi ».
À ce stade, je voyais tout mon système fonctionner, tout était moi, mais découpé de manière à ce que je comprenne qui j’étais, comment ces mécanismes se mettaient en place et cette perception totale était complètement nouvelle pour moi.
Le moi pivot regarde le corps s’agiter douloureusement et se dit : «  ça y est, le corps va mourir, il ne va pas supporter cette expérience » et curieusement, ne se sent pas concerné.
Le moi émotif est épuisé, poussé à bout, sans force, sans réaction, l’élastique qui lui permet de revenir au calme est tendu au maximum, près de la rupture, il est au bord de la perte de contrôle. Il est tellement terrorisé par les ordres donnés par le moi rationnel qu’il se met à rapetisser, j’ai la sensation  que mon corps diminue et je perçois mon incapacité à réagir.
Maintenant mon corps ne mesure plus qu’environ six pouces (20 centimètres), il  n’a plus de force, devient comme de la gélatine, tombe par terre, et se frappe le visage contre le plancher de bois. J’entends le bruit de la tête qui frappe le sol dans un son mat.
Je sais que le moi émotif est allé trop loin, qu’il n’y a aucune solution pour revenir en arrière et reprendre mon mécanisme de survie, tout va se casser. Le moi rationnel a dit au moi émotif : « meurs, je ne veux plus te voir, je ne suis plus capable de te supporter ». À ce stade le moi émotif disparaît et la sensation de rétrécissement du corps est extrêmement douloureuse, le moi rationnel est en train de tuer le moi émotif, c’est infernal à supporter.
J’abandonne, je dépose les armes, sachant que c’est la fin, je sens la mort m’envahir. C’est la deuxième sensation de mort, la première était uniquement physique, alors que celle-ci est émotive. C’est la personne qui souffrait, qui voulait diriger, qui voulait survivre à tout prix et qui ne s’en laissait imposer d’aucune manière qui trépasse. C’est celle qui passait des marchés avec Dieu. En même temps mourrait aussi la petite fille pieuse qui n’aspirait qu’à la paix, la partie intouchable, la partie que je préservais de moi-même et que personne ne pouvait atteindre.
Je viens de me suicider à moi-même, plus de retour en arrière possible, mon corps devient de plus en plus petit, devient comme de la gélatine et ma tête frappe le sol dans un bruit sourd et mat, comme deux camions qui se rentrent dedans en collision frontale, le moi émotif est dissout, il entraîne le moi rationnel, tout le système est cassé, je ne suis plus.
Quand je parle de la mort de la petite fille pieuse, c’est la mort de ce qu’il y a de plus intime, de plus authentique en moi-même, c’est mon dernier rempart, ma dernière défense.
Je sens que je me dissous, c’est le dernier souffle de Betty, j’abandonne totalement et je me dis: « c’est la fin ! » Je me sens lourdement écrasée.
C’est la fin de ma personnalité, de mon moi, du centre que je pensais être.
Et là tout bascule, il n’y a plus de moi émotif, plus de moi rationnel, plus de corps qui souffre, juste une conscience totale.
Je marche dans le salon et j’étouffe de joie, je crie : «  je suis cette joie ». J’ai de la difficulté à contenir cet état merveilleux. Je regarde à l’extérieur et je ressens l’univers, la lumière me pénètre. Je suis ce que je vois mais aussi je suis l’air que je respire.
Là j’ai conscience que ce que je ressens est énorme, à la limite du supportable, c’est un peu comme quand on prend une bouffée d’air trop frais, mais là c’est amplifié mille fois et ça n’arrête pas et je crie : « je suis cette joie, je suis ce que je vois, je suis l’air que je respire, je suis la vie qui est en mouvement, je suis ce courant » et je ne puis rester en place. Quand je dis « je ressens l’univers », cela veut dire que rien n’est différent de moi, je fais l’expérience de l’unité, tout ce que je vois c’est moi, tout est plein, tout ce qui est vibration n’est plus à l’extérieur, c’est moi.
Je marche, je suis en mouvement comme ce flot qui me traverse, je ne peux pas rester en place.
C’est paradoxal à expliquer, tout est en mouvement, je suis le tout, mais tout est calme et en paix, rien ne me perturbe.
Je prends conscience que je ne suis plus un corps, je ne suis plus cette enveloppe limitée, mon petit corps de rien ne peut pas contenir cette énergie phénoménale. Voilà pourquoi je bouge, pourquoi je suis en mouvement, c’est trop puissant pour que je puisse rester en place,  je constate que je ne pourrais pas garder cette énergie à l’intérieur de mon corps, tout va exploser.
Maintenant je vois mon corps âgé d’environ 30 ans, habillé décontracté en jeans, assis sur une petite chaise d’école, la tête penchée sur le côté droit. Il a les yeux ouverts, mais ils sont sans vie, comme les yeux vitreux d’un mort, il est moins vivant qu’une plante.
C’est comme si je contemplais une statue de moi-même. Heureusement qu’il est calé sur une chaise, parce que sans ça, il tomberait, il ne peut rien faire de lui-même.
Je m’adresse à lui en disant : « je suis tellement contente de te voir, je suis tellement contente de ne plus être associé à toi, tellement contente de ne plus être responsable de toi. » Je m’avance vers mon corps et je le touche, je sens qu’il est vivant, qu’il fonctionne, mais je ne suis plus associé à lui, je le vois mais ce n’est plus moi. Je constate que je me suis trompé sur moi-même, je pensais que j’étais ce corps duquel tout partait, chaque pensée, chaque action, mais ce n’était pas vrai, c’était un robot que je programmais au gré de mes pensées.
Il est étonnant pour moi de constater comment cette créature est à l’extérieur de moi, comme si j’étais sorti d’une espèce de robot. Je comprends parfaitement sa fonction.
En l’espace d’une seconde, je fais le tour de la situation. Je suis consciente de mon corps allongé dans mon lit qui tressaute et souffre, je suis consciente du moi rationnel et du moi émotif, mais je ne suis plus ça, le moi pivot a émergé et s’est transformé en cette vaste conscience, la perception est directe, pas de pensées pour classifier le tout, et, directement, je constate que je ne peux pas supporter ça et je hurle :  » Ah ! Ah ! Ah ! Ah !!! « , je suis ce cri, je ne suis pas mon corps hurlant de terreur, je suis le cri dans toute son amplitude, dans toute sa vibration.
Ce que je vous dis c’est que je suis la voix, je suis la totalité de ce qui m’entoure, je n’ai pas de limite, si je dirige ma conscience sur quelque chose, je suis cette chose, je suis unie à tout. C’est irréversible, l’ancienne Betty n’existe plus, mon ancien mode de fonctionnement s’est éteint et je suis en train d’expérimenter quelque chose de  radicalement nouveau. Par ce cri, l’ancien mécanisme a essayé de se réanimer, mais plus rien ne marche, mon ancien système de pensée est cassé à jamais.
Je regarde de nouveau mon corps sur la chaise, je constate qu’il est inerte, qu’il ne fait rien de lui même et je vois à quel point la folie nous pousse à torturer cette chose au gré de nos hallucinations, au gré de nos constructions mentales. Le corps est neutre, il n’a pas d’état d’âme et je ne suis pas un corps  je suis le tout et j’en suis intégralement consciente depuis les trois cent soixante degrés de mon nouveau champ de vision.
Je constate comment je projetais tous mes états d’âme sur ce corps que je torturais à souhait et que je croyais être moi, c’était le terrain de jeux du mental.
Je me promène de nouveau dans le salon, car il y a mouvement perpétuel, rien n’est stable, rien sur quoi s’arrêter, tout bouge, tout vibre constamment. Là les meubles ont disparu, je vois les murs et le plafond faits d’une matière spongieuse et bleutée, vivante, en fait je ne vois pas comme vous pourriez voir avec vos yeux, je constate et je suis, et tout cela se passe de seconde en seconde, comme des petites séquences qui naissent et meurent. J’ai conscience que je ne vois plus de la même manière. J’essaye également de faire parler le corps, et j’entends comme un écho, comme une voix distordue, inintelligible, la vision à changé, le son de ma voix n’est plus perçu et je ne suis plus mon corps, tout va bien, rien ne m’affecte, pas de panique à bord.
Je constate que le monde de la forme n’est pas obligatoire, que le mental conditionne la vision. Quand le mental est éteint à jamais, la vision change. Le monde de la dualité est un monde épuisant, le mental cherche toujours à nommer, comparer, reconnaître, il ne s’arrête jamais, il en veut toujours plus, il n’est jamais satisfait, c’est un mouvement incessant. Maintenant je vois l’essentiel au-delà de la forme.
Je regarde les murs bleutés qui s’effacent doucement, l’appartement a disparu, je suis dehors, inondée de lumière, baignant dans une douce chaleur. J’ai devant moi une chaîne de montagnes et sur le flanc de l’une des montagnes je vois défiler dans une couleur délavée, comme une aquarelle, l’hologramme des évènements de ma vie, les images sont pleines de vie, elles font partie de moi mais ne m’atteignent pas sur le plan émotif.  Je me sens unie à cet hologramme, mais je ne me sens pas concernée.
Mes sens se rassemblent et deviennent une unique perception. Mes sens ne sont plus divisés  je suis le son, la couleur, la forme, rien n’est limité, tout est plein, complet. Je marche doucement avec légèreté, je me sens libre et en paix.
Quand tu es le tout tu ne peux pas ne pas te sentir en paix, tu n’as plus de désir, plus de peur, tu ne peux pas comprendre que quoi que ce soit peut être séparé de toi.
Je reviens près du lit et je vois mon corps dormir paisiblement, plus de stress, plus de douleur. Je viens de basculer et dans ce nouvel état, je continue mon expérience.
Je me retrouve sur un chemin de campagne et je vois une petite boulangerie; c’est le matin, tôt. Je sens l’odeur du pain qui flotte. J’entre dans la boutique et je vois qu’il y a des gens qui font la queue pour être servis. Je passe devant tout le monde et je dis : « C’est moi qui était la première » en riant, pour plaisanter.
Je me retourne et vois un homme, le Jésus de mon enfance, une longue tunique, les yeux bleus fluo et la barbe. Je ne vois que ses yeux. Son regard prend toute la place et je ressens mon ancien concept de tout l’amour du monde, ce désir de recherche de l’amour infini. La petite fille pieuse se sent humble face à cette force, cette pureté, cette beauté, cette image de Dieu. Jésus me regarde, me sourit et disparaît doucement dans la lumière. Je sens qu’avec cette disparition, une armée de personnages mystiques disparaît également de façon définitive.
Toute l’iconographie religieuse, tous les concepts disparaissent à jamais de façon douce.
Une dame au comptoir me dit : « voici vos pains »… je me sens gênée, j’ai l’impression d’avoir pris la place de quelqu’un d’autre, elle me dit : « mais non c’est là pour toi » et elle me donne les pains. Elle me tend la main et je lui donne ce qui est dans la mienne : un cœur en chocolat noir.  Je regarde à l’extérieur, c’est immense dehors et tellement attirant.
Humble devant cette expérience, je me sens comme ne la méritant pas. Pourquoi moi ? Pourquoi pas les autres ? Je me sens indigne d’avoir cette expérience, et la boulangère me confirme que je suis à ma place et bien digne de vivre ça. En retour je lui donne un cœur en chocolat, ce qui symbolise toutes les recherches de plaisirs dans le système de pensée égotique, je pourrais baptiser ce cœur « Épicure ». En échange des pains, qui symbolisent la connaissance, l’état naturel, la vie, je donne mon cœur en chocolat nommé Épicure. Et là je regarde à l’extérieur, c’est illimité, tout est complet, tout est parfait et je suis cela.
http://3emillenaire.com/fr/temoins-deveil/item/90-le-basculement-betty.html
Blog de Betty: http://www.lagrandejoie.com/Accueil.html

mercredi 15 février 2012

Edouard Salim Michael


 "Un jour, alors qu’il méditait et ne cessait de plonger toujours plus profondément en lui-même, avec une détermination croissante mais tranquille, en augmentant constamment l’intensité et la force de sa concentration sans la laisser à aucun moment faiblir ni fluctuer, soudain, tandis que la sensation de son corps devenait toujours plus fine et raréfiée, ce Nada sacré commença à vibrer dans ses oreilles d’une façon inhabituelle, grondant dans sa tête avec une puissance et une intensité incroyables, qu’il n’avait jamais connues auparavant.
Tout à coup, avec une force stupéfiante et une rapidité fulgurante, il fut aspiré au sommet de son crâne. En même temps, il sentit que son front s’ouvrait de l’intérieur et que la vision de ses deux yeux fusionnait intérieurement au centre de son front.
Simultanément, il éprouva l’étrange et puissant sentiment d’être mort et retourné à sa Source d’Origine. Il fut aussi saisi par la sensation inexprimable d’être immergé dans le Grand Tout, et ce fut comme s’il avait découvert et compris le secret mystérieux qui se dissimule derrière la vie, les étoiles et l’Univers. Un immense silence éternel d’une qualité inconnue de ce monde régnait.
Par la suite, et pendant plusieurs jours, son corps lui sembla incroyablement libre et léger, comme s’il s’était transmué en éther. Quelque chose de cette sensation est demeuré avec lui depuis lors. Il éprouvait un étrange et indéfinissable état de bien-être, baigné d’un calme intérieur ineffable, d’un contentement indescriptible et d’un sentiment d’amour tel qu’il n’en avait jamais connu, accompagné d’une profonde tendresse dans le plexus solaire.
Plus tard, lorsqu’il essaya de formuler en mots l’étrange secret qu’il avait découvert concernant la vie, les étoiles et l’Univers, il ne put jamais y parvenir, bien que la réalité de cette mystérieuse compréhension l’ait toujours accompagné depuis.
Au cours de cette expérience spirituelle extraordinaire, il reçut une subtile connaissance et un avant-goût, qu’il ne comprit pas pleinement tout de suite, de l’état d’après la mort, un état qui devint, au fur et à mesure qu’il continua à méditer, toujours plus clair et réel. »
Depuis ce jour capital, son existence prit un sens entièrement différent ; son but dans la vie changea du tout au tout. Tout ce qui l’intéressait auparavant, et qui lui avait semblé si important, ne signifiait tout à coup plus rien.
Cet état extra-ordinaire qui ne peut être expérimenté qu’au plus profond de soi-même est perçu comme un Soi vaste, transparent et sans forme, qui se répand au delà du corps physique, dans toutes les directions à l’infini — un “Spectateur” énigmatique et dépourvu de forme, plongé dans une auto-contemplation silencieuse. Pareil à un océan de conscience sans limite, sans début ni fin, ce Soi invisible, bien que sans forme, possède une réalité immensément plus grande que celle du corps terrestre tangible. En fait, comparée à cet état inhabituel d’être, l’apparence physique perd toute réalité. Dans cet état sacré, le contemplant, le contemplé et la contemplation forment une seule et même unité. Il s’agit d’un acte profondément mystérieux et inexplicable dans lequel, paradoxalement, il y a contemplation du Soi en même temps qu’être le Soi qui est contemplé."
[Extraits de "la Voie de la Vigilance Intérieure" (Ed Guy Trédaniel)]


http://temoignagesdeveil.free.fr/salimmichael.htm

Nicole Montineri


Très tôt, je fus poussée de l'intérieur par une forte exigence de compréhension.

Dès ma jeunesse, le questionnement sur soi, sur le monde, sur le sens de la vie, occupa l'essentiel de ma pensée. Il me semblait que je n'avais pas le choix, que mon existence n'avait pas d'autre chemin à prendre que celui-ci. Enfant sensible, je ressentais tout avec intensité et j'avais une perception aiguë de la nature éphémère de toute chose.

Ma tendance naturelle à m'intérioriser provoqua le démarrage d'un parcours solitaire pendant plus de 30 ans, à la découverte du mystère de l'éternel caché au fond de nous. Ce sont les livres, nombreux, qui m'aidèrent tout au long de ce cheminement. Mon esprit explora intensément toutes les réponses avant de comprendre qu'il n'était pas l'instrument approprié pour réaliser l'infinie liberté.
C'est lorsque cette quête fut abandonnée que je découvris ce que je cherchais.


La réalisation survint d'un coup, lors d'une grave maladie en 2006. Je pus contempler la réalité de la nature immortelle et illimitée de la conscience.

Dans cet état si proche de la mort que j'ai connu, ma propre conscience, pure, vide d'objet, n'était plus que conscience conscience-de-soi, reliée au flux lumineux au point de s'y dissoudre.
Grand ouverte, sans limite, elle embrassait l'espace de l'univers entier.
La sensation était douce, paisible. J'étais en paix, comme si j'avais été là depuis toujours. Moment d'atemporalité.

La conscience était passée sur un autre plan de réalité. La lumière qui la traversait n'occupait pas un monde objectif qui l'aurait entourée : elle était sa substance même.

Je sus que ce qui était vu était le déploiement de ma propre conscience. C'était bien une réalité non duelle que je vivais, car il n'y avait plus de différence entre celui qui percevait et ce qui était perçu. Les perceptions étaient l'expression même du rayonnement de ma conscience.

Tout était clair. Une compréhension profonde et subtile de la vie, qui me donna le sentiment d'appartenir à une unité cosmique ayant un sens, me pénétrait sans entrave. Ce fut le silence du vide cosmique qui m'enseigna, avec un amour infini qui laissait être.

Notre Nature Véritable

Derrière les apparences de l'univers se trouve l'unique réalité : la conscience.
Elle n'est pas le centre : en dehors d'elle, il n'y a rien.
Elle est le contenant du cosmos.
Elle est aussi l'impulsion, le mouvement qui organise la vie, qui crée la variété infinie des formes et qui les résorbe.
Elle est la danse du vide.
Tout existe par sa puissance illimitée. Elle est la matrice qui féconde tout. Chaque phénomène émerge d'elle et retourne à elle. Elle est la source unique. Nous sommes nés d'elle. Nous sommes son expression.
De la conscience émane l'amour inconditionnel, sans objet, sans direction, qui pénètre toute chose. Il est l'énergie cosmique qui nous traverse, nous anime et nous porte. Nous le manifestons dès que la perception de l'unité de la vie éclôt en nous.
La pensée est issue de la même source d'énergie. Mais dans son approche fragmentaire de la réalité, elle occulte cette origine.
Il n'y a rien de particulier à faire pour être ce que nous sommes de toute éternité. Tout effort est une projection de l'esprit qui se tend en vue d'acquérir quelque chose. La Réalité ne peut être objet de quête ou de méditation. Rien n'est hors d'elle.
Prenons simplement la position d'accueil de toute activité du corps et du mental.
Les manifestations innombrables ne sont pas moi, ni à moi, mais un jeu de la vie.
Demeurons silencieux, détachés de tous les phénomènes.
Notre nature véritable est paix. Elle n'est pas liée aux actions du corps et du mental.
L'ignorance est de s'identifier à ceci ou à cela.
C'est lorsque nous vivons dans notre totalité - l'espace lumineux de la pure conscience - que l'énergie de vie, expression du flot infini, peut s'épanouir librement en nous et à travers nous. Elle n'a pas d'autre but qu'elle-même. Nos actes jaillissent alors spontanément de ce vide hors du temps.
Dés que nous demeurons « en conscience » dans cet espace, nous sentons que nous nous stabilisons, car c'est notre propre substance que nous réalisons.
Notre vraie nature n'est pas un état. Elle est le déploiement continu de la vie dans notre espace de paix et de silence.
C'est l'intelligence à l'œuvre au sein de l'énergie de vie qui prend soin de nous. Ce n'est pas à nous de le faire. Elle nous porte où elle veut.
Notre existence terrestre est l'histoire de la vie qui cherche à s'accomplir en chaque être, patiemment, amoureusement. Nous sommes issus de sa vibration originelle. Nous sommes l'univers au point de sa source vibratoire, d'où jaillit l'énergie.
Là est la racine de la conscience.
La vie réside dans la conscience. Elle ne peut se déployer que dans l'espace vide, potentiel illimité, qui est notre vraie nature. C'est cela le mystère à découvrir. Il n'y en a pas d'autre.
Nous sommes conscience, c'est là notre véritable identité, de toute éternité. Nous sommes son mouvement infini, hors du temps.
Voyons-nous comme étant ce flux sans commencement ni fin, harmonisons notre rythme à sa pulsation éternelle.
Il n'y a qu'un seul appel, celui de l'espace éternel en nous. Il est notre substance véritable, le lieu vide de la pulsation unique de la vie. Cette réalité n'est pas ailleurs que là où nous vivons. Son éternité se dévoile à nous à chaque instant.
Etendons-nous vers l'extérieur, participons activement au monde, le connaissant comme jeu, tout en rentrant sans cesse en nous-mêmes. Retrait et expansion sont les deux mouvements de la vie.
Ayons le courage de nous alléger de toutes les pressions de la société et partons à la découverte, solitaire, de la réalité. C'est notre dignité d'humain de nous relier en conscience à l'essence de notre être.
Simplifions-nous, dépouillons-nous, et dans ce vide, nous découvrirons l'intelligence de la vie à l'oeuvre.


http://www.laconscience-espace.com/

mardi 14 février 2012

Jean Bouchard d'Orval


Jean est né à Montréal en 1948. Après ses études classiques chez les Sulpiciens, il a complété des études en physique et en génie nucléaire à l'Université de Montréal, puis il a travaillé pendant dix ans pour Hydro-Québec. Pendant tout ce temps, il se posait des questions plus fondamentales que celles auxquelles la science et même la pensée peuvent répondre. Cet intense questionnement l'a mené vers une approche plus directe de l'existence, vers un regard moins déformé par les images et les concepts accumulés. Après de nombreux séjours dans l’Himalaya indien, c’est en Occident qu’il a continué d'approfondir sa démarche et que se réactualisa de plus en plus l'intuition fondamentale de l'existence qui l'avait saisi dès l'adolescence.
Depuis plus de vingt ans, Jean Bouchart d'Orval écrit des livres et propose des rencontres publiques qui sont autant d'invitations à une exploration fondée sur le pressentiment de la joie sans cause et son actualisation dans la vie. Il ne se réclame d'aucune école en particulier, mais sa pensée est modulée par l’intuition de la non-dualité.

Selon lui, il existe une façon simple de se tourner vers le Simple. L'accent n'est donc pas mis sur l'apprentissage de techniques, sur ce qui se réfère à un devenir, ni sur tout ce qui nous fait dormir et rêver davantage. Toute démarche qui propose de s’intéresser à autre chose que ce qui est là présentement dans sa vie est un ajournement. Il n'y a qu'à porter un regard honnête et persistant sur ce qui est là dans l'instant même et ce regard se retrouve bientôt saisi par le vent de la silencieuse paix. Dépouillée de nos histoires, qui se réfèrent toutes à ce que nous ne sommes pas, c’est-à-dire à une image, à un quelconque soi-même, la réalité apparaît telle qu’elle est : profondément joyeuse.

C’est au moment où nous demeurons sans programme et n’entretenons plus d’opinions sur ce que nous percevons et faisons qu'une joie sans compromis commence à vraiment donner le ton: comment nous sommes se met à refléter ce que nous sommes. La vie phénoménale n’est alors plus que ce qu’elle a toujours été au fond: une actualisation des possibilités de la joie.

L'irruption de la lumière dans notre vie ne peut être le résultat d’une stratégie délibérée, qui ne serait qu’une autre forme d'encombrement, de prétention et d’agitation pour perpétuer ce que nous ne sommes pas. Toute velléité de devenir quoi que ce soit, y compris quelqu’un de libre, ne fait qu’ajouter des raffinements de misère à notre vie. Rien à atteindre, rien à devenir, aucun obstacle à vaincre, seulement des occasions de beauté. Ni idéal à suivre, ni comportement à adopter, ni technique à pratiquer, ni leader à imiter, ni organisation à laquelle se joindre afin de devenir « éveillé » ou « réalisé ». Dieu nous garde de cette indigence spirituelle ! Quel chemin emprunter pour aller de chez soi à chez soi ? Quelle technique pourrait nous emmener à l’étonnement ?

Seul un regard humble et honnête peut nous sauver de la bêtise et de la souffrance que nous nous infligeons nous-même. Rien n'est le contraire de la joie et de la tranquillité profondes : à partir de cette évidence, aucun des changements de la vie n'est problématique. Dans cette éclaircie, les énergies jusque là gaspillées se libèrent : nous vivons alors avec passion, mais sans calculs inquiets.

Jean Bouchard d'Orval

http://www.omalpha.com/

mardi 7 février 2012

David Cuissi


De ses 2389 m, le sommet du Monte d’Oro « étincelait la fenêtre » de ma chambre malgré la nuit… je songeais avec nostalgie à l’éveil, à cet inaccessible sommet de « la plus haute conscience d’Etre »… Depuis ma tendre enfance, j’étais aimanté par le « religieux » ; j’y consacrais tant d’attention ! Mais ce soir-là, j’étais tranquille…, je contemplais la puissance et le mystère de la voûte céleste, je me sentais vulnérable mais amusé par l’obstination de ma quête. Comme tous les soirs, je remerciais la vie, mon existence et la création tout entière. Puis, plongeant comme à l’accoutumée dans les profondeurs de mon intimité, je me suis endormi dans une qualité de présence mystérieuse témoignant d’insondables et inouïes beautés célestes. J’étais spectateur du spectacle de mon esprit, étoiles filantes, lunes, soleils, galaxies se donnaient en spectacle puis… sans que je fasse le moindre effort…, mystérieusement, la vie m’a pris dans ses bras, d’une étreinte fervente, affectueuse, intime et pacifiante. Depuis, enlacés l’un à l’autre, cette union n’a jamais cessé.
Cela faisait trente ans que j’étais sur le chemin. Chacune des “expériences de conscience” qui m’était donnée de vivre me faisait “monter au ciel” mais quelques jours après, c’était “l’enfer”... je n’avais pas le mode d’emploi pour redescendre… et le retour au quotidien était difficile. Pendant quinze ans, j’ai été l’élève d’une tradition indienne, je reconnaissais mes expériences intérieures en lisant les Vedas. Je “méditais” trois heures par jour... J’étais déterminé, passionné, ardant et sincère dans ma recherche mais il n’y avait pas de contact, de vérification, de friction, de validation, d’encouragements avec un Maître que je pouvais consulter simplement. Ce jeu des montagnes russes m’obligeait, me structurait, s‘incarnait dans ma chair et densifiait ma présence ; mais à cette époque, je ne le savais pas. J’ai du explorer toutes les impasses de la naïveté spirituelle et des croyances aux pouvoirs extériorisés.
Les trois dernières années, les “initiations diurnes et nocturnes” se succédaient à un rythme soutenu sans que cela fasse la moindre vague au niveau de ma “personnalité journalière” : pourtant les épreuves du quotidien n'épargnaient pas ma situation professionnelle, sociale et financière. Les défis de la perte et du détachement allaient bon train... C’est alors que j’ai eu la surprise de découvrir qu’il y avait des Sages en Occident. J’ai donc côtoyé : Yvan Amar, Stephen Jourdain et Jean Klein.
Les rencontres avec ces phares m’ont éclairé, permis un dialogue parfois décapant mais toujours authentique ; tout devenait lumineux, évident,
J’intégrais des qualités lumineuses du diamant, mais « je » n’étais pas pur, ni transparent... l’éveil était toujours un concept. Puis vint cette nuit chez un Ami très précieux.... (Je précise que le monte d’Oro est en Corse)
"Je suis devenu le mystère, conscience au cœur du pur diamant de mon esprit, présence telle que l’on ne peut ni la perdre, ni s’en absenter, ni douter, ni s’illusionner ”. Dans ce bing bang de mon esprit, je me suis senti aimé infiniment, depuis toujours, témoin innocent du dévoilement du secret de l’éveil. Tout était dénoué, réconcilié, apaisé, simplifié, immaculé. Je suis la continuité consciente des expériences naturelles de la veille, du rêve et du sommeil profond."
"Je suis conscience pure, pure présence sans pensée, je suis infiniment cela, omniprésent éternel et, en même temps, je ne suis pas cela … sublime présence qui ne laisse pas de trace ; elle se renouvelle totalement, incluant le passé, le présent, le futur, dans la totalité de sa gloire, maintenant. Maintenant renouvelé et renaissant, maintenant effacé et présent, maintenant, maintenant, maintenant …"
La splendeur et la beauté de cet instant englobent ma présence d’une aurore diaphane, des milliers de lever et de coucher de soleil ne seraient que pâle parure devant la splendeur et la magnificence de cet embrasement. Au centre de mon être coule discrètement le mouvement du retour des océans vers la source…, les nectars et les parfums s’exhalent et se fleurent du printemps de l’Eden juste ensemencé par le geste créateur… Je me sens béni et baptisé par l’esprit du silence qui parle de l’origine de toutes les langues humaines… ; je suis le temple et la lumineuse clarté qui ensoleillent l’univers et les galaxies... ; je suis l’architecture et la chorégraphie ; je vois le geste sublime du sculpteur qui modèle, cisèle et incruste de pierres précieuses chaque particule de sa création… je rends grâce…. et ma joie pleure...
A ce moment, j’éprouve une douce et glorieuse gratitude envers la tradition de tous les maîtres qui ont initié ce chemin de la plus haute vigilance.
L’évidence de l’éveil, que j’avais tant espéré, prenait enfin racine dans mon esprit émerveillé baignant dans la grâce d’être baptisé par les mains divines.
La conséquence immédiate a été de me laver de toutes mes illusions et croyances pour accéder à la valeur la plus intime de notre humanité.
Je me suis expérimenté comme l’Hologramme du mystère, unifiant le microcosme au macrocosme, les oppositions, la diversité, l’indifférencié, l’intérieur et l’extérieur. Je suis ici et maintenant, tout cela simultanément, conscience individuelle, universelle et indifférenciée.
Toute la valeur de “je sais, je ne sais pas”, que j’ai expérimenté au début de ma quête spirituelle prend alors tout son sens.
Vivre “je ne sais pas” étant le mystère, ne rend pas ignorant ni niais, mais donne l’omniscience intérieure et déconditionne radicalement la personnalité connue, la personnalité duelle, identifiée à un rôle personnel.
Assister à ce sublime jaillissement de la source de notre origine offre aussi la vision du « tout ici - tout en soi », auto connaissance sublime, intelligible, ludique et innocente des lois de la nature et des lois de l’âme humaine. Cela apporte une joie ineffaçable et un sentiment de paix cosmique qui révèlent la nature divine de toute chose.
Au cœur de mon individualité, le mécanisme du « magicien-ego » est vu, l’illusion a perdu son pouvoir de fascination, elle ne surimpose plus un objet mental dans mon esprit immaculé.
La métamorphose initiée, l’esprit devient immédiatement le témoin et le serviteur du Mystère Vivant, s’écrivant maintenant de toute éternité.
Ici s’actualise et se découvre l’élève. Le mystère de la pédagogie de la joie devient progressivement visible. Son mode d’emploi se révèle et s’actualise chemin faisant. Pour illustrer mon propos, souvenez-vous d’un film de Spielberg où Indiana Jones doit traverser un précipice pour trouver l’arche d’Alliance. Il doit enjamber le vide et faire confiance à son intuition. Au moment où il pose le pied dans le vide, le pont apparaît sous ses pas. C’est de cette façon que je réapprends à fonctionner dans un nouveau rapport au réel et à témoigner que vous êtes tous libres, en paix, et que vous êtes tous aimés infiniment.
Vivre la joie d’être le paradoxe “je suis cela, je sais et je ne sais pas » en même temps, est une prise de risque ludique qui donne tout le parfum et la saveur à l’esprit de la découverte, montrant tout le potentiel de créativité et d’intelligence dont l’être humain est capable. La création a une confiance inébranlable envers sa créature.
Oui, l’éveil fait table rase de toute identification à un ego spirituel en manque d’admiration. L’éveil offre tout, mais ne donne aucun pouvoir extérieur. Il donne la pédagogie du mouvement du retour à toutes choses, passage amoureux si intime et si infime qu’aucune extériorité ne peut s’y faufiler. Finie la frénésie de la recherche et du chercheur perdu, le monde présent glorieux et sacré devient le terrain de jeu de l’explorateur ravi.
Toutes les innombrables expériences d’unité vécues pendant la journée ainsi qu’au cœur des rêves lucides trouvent enfin un sens et la continuité pédagogique, comme un fil qui relie les perles d’un collier. Ce fil si fin et discret est le support des différents états de conscience. Ce fil est constamment présent dans tous les phénomènes du monde des apparences. Il est la conscience naturelle donnée à chacun même si le sujet l’ignore. Ce fil porte le principe de l’apparition, du maintien et de la disparition du monde phénoménal. Tout cela, en même temps, simultanément, dans chaque être ou chose.
Dans le champ individuel, l’éveil donne la clef de la vérité, du réel et du glorieux instant terrestre.