samedi 21 avril 2012

Sunyata


En 1890, naquit dans une ferme isolée du Danemark, un homme exceptionnel nommé Emmanuel Sorensen.

En quoi était-il exceptionnel ? Il l'était par sa totale transparence et son silence intérieur. En fait, il est né dans un état de total éveil spirituel immensément différent de la plupart des êtres humains, prisonniers de leur ego, identifiés à leur corps et à l'image d'eux-mêmes.

L'état de silence mental et d'équilibre parfait d'Emmanuel ne tarda pas à provoquer des problèmes dans un monde psychologiquement déformé par une déification de la pensée entraînant une agitation mentale permanente.

La période scolaire fut très pénible. Il la désigne comme « l'éducation de la tête », considérée par lui comme une sorte de tentative de corruption de l'être humain. Emmanuel ne comprenait pas que les êtres humains puissent être à tel point agités et identifiés à leur égo. Ce qui l'étonnait le plus était le fait que les gens se considéraient absolument comme des entités séparées, chacune enfermée dans une sorte de prison étriquée et artificielle.

Il fut évidemment considéré comme simple d'esprit et anormal. Son entourage fit de vains efforts pour le rendre « normal ». Il dut renoncer à suivre le programme scolaire normal mais s'intéressait passionnément à la nature, aux fleurs et aux arbres. Emmanuel finit par faire des études d'horticulture et se rendit en Angleterre en 1911 où il fut engagé comme jardinier dans un château.

En 1913, il écouta une conférence d'Annie Besant à la Socié té théosophique. En 1920 se produisit un événement inattendu qui certainement n'est pas dû au hasard. Le propriétaire du château reçut un visiteur de marque : le célèbre poète et sage indien Rabindranath Tagore. Au cours d'une promenade dans le jardin du château, le sage rencontra Emmanuel et le reconnut immédiatement, ébloui par sa lumière intérieure.

Rabindranath Tagore conseilla vivement à Emmanuel de se rendre en Inde pour enseigner le silence intérieur dont il était une exceptionnelle expression vivante. Emmanuel éclata de rire en déclarant : « Mais je suis le silence. »

Il se rendit en Inde en 1930 par bateau et visite la Palestine et l'Egypte. En 1932, Emmanuel retourna brièvement en Angleterre de plus en plus conscient du rôle que lui destine sa vision intérieure. Il visite l'Irak, la Syrie et la Turquie.

En 1935, il apprend l'existence de Ramana Maharshi en lisant le livre de Paul Brunton sur « L'Inde secrète ». En 1936. Emmanuel rend visite à l'ashram de Ramana Maharshi à Tirumanavalai. Il se place discrètement au fond de la salle derrière la foule et ne pose aucune question. Soudain, le Maharshi le reconnaît et le considère comme un éveillé authentique. C'est de lui qu'Emmanuel recevra le nom de « Sunyata » (Vacuité). Il voit en lui un des rares mystiques de naissance (en anglais : « one of the rare born mystics »).

En 1937, Emmanuel construit son ermitage sous la forme d'une petite hutte près d'Almora, située aux pieds des himalayas indiens. Le lama Anagarika Govinda et le docteur Ewans-Wentz étaient ses voisins.

En 1940, Emmanuel rend à nouveau visite à Ramana Maharshi qui lui transmet télépathiquement un message en cinq mots : « We are always aware Sunyata » (« Nous sommes toujours éveillés »). Emmanuel accepta ce message comme une reconnaissance, un « mantra » et un nom.

En 1945, Emmanuel écrit ses méditations qu'il appelle « Memory ». Vers 1953, la renommée d'Emmanuel se répandit dans tous les milieux spirituels de l'Inde. Le Pandit Nehru rendit visite au Sage et fut profondément impressionné par le rayonnement de sa présence. Considérant qu'Emmanuel (désormais nommé Sunyata) résidait en Inde depuis plus de vingt ans, le président Nehru lui demanda d'accepter d'être nommé citoyen d'honneur. Sunyata accepta en toute simplicité, ignorant complètement la valeur des distinctions honorifiques. Le président Nehru déclara que c'était un grand honneur pour l'Inde de compter parmi ses citoyens un Eveillé authentique de cette qualité.

Vers 1974, de nombreuses personnalités, écrivains et artistes américains rendaient visite à Sunyata et l'invitaient à enseigner en Californie au Centre Zen, fondé à la mémoire d'Alan Watts. Il s'établit dès 1978 aux Etats-Unis pour enseigner tant en Californie qu'à Chicago.

Le 5 août 1984, Sunyata fut blessé dans un accident et décéda le 13 du même mois.

Robert Linssen

http://www.reikido-france.com/shunyata.html

mercredi 18 avril 2012

Niina

Au Gabon comme dans un grand nombre de sociétés il existe des rites de passages de l'adolescence à l'adulte, c'est lors de mon initiation au bwiti par l'iboga, que j'ai fait pour la première fois l'expérience de l'absolu.

Celle-ci est fonction de votre maturité et non d' un effort, cependant, à l'issue de ce voyage tous les anciens me dirent que je ne pourrais pas revivre cette expérience au quotidien, sauf après ma mort. Curieux je demandais pourquoi pas maintenant ? Parce que c'est ainsi, voici la réponse que j'obtins.

Insatisfait, j'ai commencé à chercher un moyen pour vivre cette expérience quotidiennement, voici le début de ma quête. Mon acharnement fut tel que ma conscience s'éveilla au bout de deux ans et demi, avec le temps, je comprends que ce qui est arrivé devait arriver, tout simplement.

"Je ne suis pas celui qui sent, entend, voit, goûte, parle, pourtant je sais que je suis ." Niina


"Dans une grande manifestation de colère, je me suis oublié un bref instant, je fus celui qui est ." Niina


Que s'est-il véritablement produit ? Un « non-événement », car en réalité on ne fait pas de découverte, simplement une meilleure compréhension de sa nature véritable, comprendre qu'il n'y a rien sur quoi l’Être puisse s'appuyer, que l'intérieur et l'extérieur de ce corps n'ont pas de contenu : « il n'y a rien ».

Depuis cela, ma vie continue son cours, je suis éducateur sportif dans un club à Toulouse, conscient que je suis.

Au final, rien n'est vrai ou faux, comprendre simplement que le relatif et l'absolu alternent inlassablement, cet état de conscience ne peut-être vu. De la même manière que, nul ne peut voir le vent, mais ses manifestations qui ne sont pas le vent, il en est de même pour l'éveil.

http://ventdeveil.blogspot.fr/search/label/Niina

http://www.ni-ina.com/Site/Accueil.html

samedi 14 avril 2012

Serge Pastor


Proche de l’enseignement de J. Krishnamurti, Serge Pastor est enseignant et rééducateur en psycho-pédagogie auprès d’une population d’enfants et d’adolescents en difficulté. Son expérience, il la raconte par l’expérience de la rencontre avec ce qu’il nomme le Veilleur Silencieux.

Ma rencontre avec le Veilleur Silencieux s’est produite un soir de printemps.
A l’arrière-plan de l’agitation et du jacassement mental incessant de l’Ego, se tient, calme et immobile, le Veilleur Silencieux.

Je ne l’attendais pas. Je ne Le connaissais pas. Je n’en avais même jamais entendu parler, ni dans mes lectures, ni dans mes rencontres.

Pourtant, au soir de ce 21 avril 2001, alors que j’étais assis sur un rocher, dans une petite crique au bord de la Mer Méditerranée, face à la splendeur irisée d’un coucher de soleil dont les derniers rayons caressaient et réchauffaient tout mon corps, Il est venu à moi, sans prévenir.

Alors même que j’observais avec joie les perles dorées de lumière scintillante qui retombaient à chaque fracas de vague sur les parois rocheuses, Il a surgi de l’intérieur, à la manière d’un souffle bienfaisant et aimant de feu et de glace, balayant tout sur son passage telle une lame déferlant sur le frêle esquif de ma personnalité littéralement mise devant le fait accompli.v Instantanément, une paix mêlée d’un profond sentiment chaleureux d’amour pour toute la création, envahit tout mon être.

J’étais un et en même temps multiple. J’étais le corps, le rocher, la mer, le soleil, le ciel, la terre.
J’étais un avec ces rares voiliers qui rentraient au port, avec ces mouettes au loin, ces personnes qui se hâtaient de rentrer en marchant le long du sentier du littoral. L’intérieur et l’extérieur ne formaient qu’un tout sans aucune frontière, aucune séparation.

J’étais à la fois l’observateur et la chose observée, sans mot, sans forme-pensée ou idée pour tenter de traduire quoi que ce soit.

En cet état, aucun conflit, aucun choix, aucune attente ne me perturbaient. Une quiétude infinie m’envahissait. Une présence une et totale à la vie.

Une sérénité indéfectible, éternelle, coexistait à l’intérieur et à l’extérieur de moi, et semblait me traverser.

L’Ego encapsulé de chair, gainé et enserré dans ce corps séparé qui déambulait il y a quelques minutes au bord de la plage, avait purement et simplement disparu.

La respiration de mon corps épousait le mouvement de la vie. Elle était lente et s’emplissait, se nourrissait d’elle-même, un peu comme si je me respirais à moi-même, sans intérieur ni extérieur à combler, sans espace-temps à remplir.

Dans cet ici et maintenant, j’étais le monde. […]

J’étais un être neuf, celui que j’avais toujours été et que j’ignorais totalement jusqu’à ce 21 avril.

Le Silence était là, tout simplement, et “je” n’étais plus une entité à part entière. “Je” était le monde, ce que j’avais toujours été.

Le “moi” avait baissé la garde et, ne le nourrissant plus, il se mourait à lui-même.

Un processus de vie et de mort instantanées s’opéra alors à l’intérieur de moi, un peu comme si une “liquidation” de mes vieilles peaux était engagée.

Durant ce processus transformationnel, je vis, tel un spectateur aimant et joyeux, “l’ancien moi” résister et ne voulant pas se vider de sa substance. Avec la plus grande simplicité qui soit, je renonçai à son pouvoir, à son autorité d’autrefois, à son lot de mesquineries, à tous ses faux-semblants. Sa fausseté m’apparut avec lucidité.

Un sens intérieur prit naissance.

Le Veilleur Silencieux que je ressentais comme non-langage, non-verbal, non-formel, “parlait” en moi, à travers tout mon être.[…]

Le Veilleur Silencieux a surgi comme la brise du matin caresse le visage de l’enfant lorsqu’il ouvre la fenêtre de sa chambre et de son cœur.

Il est resté présent durant plus d’un mois. […]

Chaque matin, entre 3 h et 6 h, le Veilleur Silencieux émergeait instantanément et avec bienveillance de mon être intérieur, suite à tout questionnement que je me posais. A chaque contact, le lien fut limpide, authentique, pur, sans aucune équivoque possible. 

Serge Pastor

[extraits de l’avant-propos, L’Écroulement de la Forteresse de l’Ego ou l’Éclosion de l’Amour, A.L.T.E.S.S.E., 2004]

http://www.revue3emillenaire.com/lire/lire.php?menu=lire&page=temoins2&art_ident=20

vendredi 6 avril 2012

Claudette Vidal


Êtes-vous en quête de paix intérieure et de joie de vivre ? Ou encore, voulez-vous vous éveiller à vous-même ? Qu’importe ce que vous cherchez, le chemin est le même. Il s’agit de voir les pièges du mental et de lâcher prise à vos attachements pour laisser la place à la Présence.

 Ce que vous allez découvrir à travers votre périple n’est rien d’autre que vous, ici et maintenant. Ce « vous » est ce qu’il y a de plus ordinaire et extraordinaire à la fois. Ce « vous » est un joyau indescriptible d’une radieuse beauté. En vous éveillant à vous-même, vous allez retrouver votre état naturel, rien de plus. La surprise est dans la découverte que c’est votre état naturel.

 Toute votre souffrance prend appui sur la méconnaissance que vous avez de vous-même. Vous croyez être UNE personne alors que vous êtes « personne ». Tout ce que vous pouvez imaginer être, vous ne l’êtes pas. Ce que vous êtes est au-delà de toute description. Votre mental ne peut l’appréhender car c’est au-delà du mental.

Cette belle aventure d’éveil de la conscience est parsemée de moments d’extase et de doutes. Ce chemin n’est pas pour les tièdes. Vous rencontrerez vos peurs, vos dragons intérieurs. Les peurs font partie du chemin. Elles ne vous ralentissent pas, elles sont des messagères qui vous disent à quoi vous avez donné du pouvoir.

L’auteur aborde de nombreux thèmes importants : l’ego, les niveaux de conscience, le libre-arbitre, l’acceptation et l’action juste, l’éveil au quotidien, le Réel et l’irréel, l’Unité et la multiplicité…

Ce livre est écrit dans un langage simple et direct. Il témoigne de l’accessibilité pour tous à la liberté et à la vérité. Il enseigne et accompagne le lecteur sur son propre chemin. Il pointe dans la direction de qui vous êtes vraiment, au-delà de vos croyances.


Extrait :

Récit d'éveil

"À trente-sept ans, je rencontre un homme dont la qualité de présence m’interpelle grandement. Je perçois rapidement que cette personne sait quelque chose que je veux absolument  savoir. Je ne sais pas ce que je cherche, mais je sais qu’il y a  autre chose que ce que je connais de la vie. Ce mystère existentiel m’attire de plus en plus. Au cours des années qui ont suivi cette rencontre et, accompagnée par cet homme remarquable, j’ai appris à observer mon monde intérieur, à me libérer d’un trop plein d’émotions et à lâcher un grand nombre de croyances sur lesquelles j’avais bâti ma vie. Le déconditionnement était commencé, le réveil avait sonné. J’étais sur le chemin du retour à la maison. Ce déconditionnement me permet de me sentir mieux. Les entraînements pour développer la présence à soi et à l’autre me rendent plus vivante. Mes comportements sont plus pertinents et j’ai plus de distance avec mes émotions.

Après dix ans de vie commune avec l’homme ayant été à l’origine de mon ouverture, je fais la connaissance de Gangaji (enseignante spirituelle d’origine américaine ayant connu l’éveil auprès de HWL Poonja, affectueusement appelé Papaji)via ses livres et ses vidéos. Encore une fois, je suis interpellée par la qualité de sa présence. Je remarque l’immobilité à partir de laquelle les mots jaillissent. Je sais qu’elle sait. Je reconnais qu’elle a percé le mystère qui m’habite. Je souhaite vivement la rencontrer et j’y vais. 
Comme Gangaji et son mari Eli Jaxon-Bear offrent un s éminaire sur l’ennéagramme près de Vancouver, dans l’ouest canadien,j’ai une occasion unique de la rencontrer en personne. Je connais l’ennéagramme depuis une dizaine d’années et donne occasionnellement des ateliers et conférences sur le sujet. Mon intérêt pour ce séminaire ne réside pas dans la connaissance de l’ennéagramme qui décrit les neuf fixations de l’ego. Je souhaite me libérer de ma fixation égotique et retrouver ma liberté. Je suis de plus en plus consciente du mensonge originel concernant mon identité. J’ai une incommensurable soif de vérité et de liberté.

À la fin de la première journée du stage avec Gangaji, je fais une indigestion aiguë. La douleur est tellement intense que je crois que je vais mourir. Ma tête veut exploser et mon estomac se tord de douleur. Je suis épuisée, vidée. Dans un miroir au-dessus du lavabo, je tente de trouver un quelconque soulagement. 
Je regarde dans ce miroir et y mon visage. Soudainement, je réalise que je ne suis pas ce corps. Je réalise que le corps et moi sont deux choses différentes. Puis... ça se détend dans le corps. Tout reprend sa juste place. Je me surprends à faire des grimaces dans le miroir et à sourire. Les maux de tête et d’estomac s’interrompent subitement. Je réalise que même si ce
corps s’étalait par terre sans vie, ça ne m’empêcherait pas de continuer à faire des grimaces et des clins d’oeil amusés en étant hors du corps.
J’étais désidentifiée du corps.

Cette réalisation que le corps et moi sommes deux entités distinctes est maintenant une évidence. Jusqu’à présent, je ne le savais qu’intellectuellement. Le lendemain, nos instructeurs Gangaji et Eli ont décrit le type d’ego dans lequel j’étais fixée. Comme je connaissais mon type d’ego depuis longtemps, je ne me doutais pas que j’allais réagir si fortement en entendant la description de celui-ci. J’ai été interpellée, bouleversée. Je ressentais beaucoup de haine et de mépris pour moi et les autres. Je n’étais plus que haine et mépris. L’ après-midi, comme nous avions quelques heures de repos, mon conjoint et moi sommes allés nous balader et explorer la magnifique Cortes Island où avait lieu le séminaire. Nous avons découvert des paysages grandioses et des gens simples et souriants. De retour à notre chambre en fin de journée, toutes les émotions de haine et de mépris s’étaient dissipées. J’étais à nouveau calme et sereine.
J’étais désidentifiée de mes émotions.

Venant de nulle part, des paroles se sont élevées en moi pour dire : « c’est la deuxième étape ». J’ai alors compris que la désidentification du corps était la première étape, celle des émotions la seconde. Le lendemain, Gangaji s’est adressée aux participants d’une façon différente des autres fois. Son ton était plus solennel. J’étais très attentive. Elle nous a demandé de faire ce que son maître lui avait demandé il y a plusieurs années, et qui lui a permis de retrouver sa vraie nature. Elle nous a demandé « d’arrêter de penser ». Quand elle a dit ça, j’ai immédiatement arrêté. J’avais parcouru cinq milles kilomètres pour élucider le grand mystère de la vie, pas question de ne pas me conformer aux requêtes. Tout en étant attentive à ce qu’elle disait, mon esprit était au point zéro, immobile. Je n’avais plus aucune pensée. J’étais calme et... je prenais conscience d’un vide sidéral. Je ne sais pas ce qu’est le vide sidéral, c’est le mot qui me vient spontanément. Absence de tout… plein de vie, pourrait le décrire. Il n’y avait rien, vraiment rien.
J’étais désidentifiée du mental. 

Je ne savais pas ce qui allait se passer par la suite et je ne m’en inquiétais nullement. J’étais seulement étonnée par ce silence intérieur profond et apaisant. La nuit qui a suivi a été quelque peu étonnante. Dans une sorte de rêve éveillé, j’avais l’impression de découvrir un truc inusité, riche et captivant. Ce « truc », c’était moi. Je découvrais la potentialité de qui je suis. Je m’amusais avec moi m’amusant à m’amuser avec moi en train de me voir m’amuser… Je m’émerveillais devant l’ampleur des possibilités qui s’offraient à moi. Tout était possible, vraiment tout ! Je découvrais le royaume des possibilités de l’Être et c’était grandiose. J’étais émerveillée et fascinée par cette découverte. La Source devenait consciente d’elle-même avec ravissement. Fini de jouer à cache-cache avec moi. Je me révélais le secret que je m’étais caché depuis si longtemps. Je pouvais désormais reconnaître la splendeur de qui je suis, sans fausse modestie. J’étais cela depuis toujours et je ne me voyais pas. 

Le lendemain nous sommes allés à la dernière conférence du séminaire. Dans un anglais plus assuré que d’habitude et avec un élan capable de transporter une montagne j’ai dit : « I am free ». J’avais retrouvé ma liberté. En quittant le lieu du stage, je me suis arrêtée à la petite librairie attenante à la boutique de la réception pour y acheter deux ou trois livres que j’avais repérés quelques jours plus tôt. En effectuant le paiement je me suis dit : « Pourquoi achètes-tu ces livres, tu ne vas jamais les lire ? ». J’ai réalisé que ce que j’avais découvert était tellement grand et complet que rien de ce qui se trouvait dans ces livres ne pouvait m’intéresser. Je ne ressentais plus aucun manque que ces livres pouvaient combler, aucune question à laquelle ils auraient pu répondre. La plénitude de l’instant présent prenait toute la place. Je n’étais plus dans le moment présent, j’étais le moment présent.

Soudainement, je comprenais intimement ce que disait Krishnamurti, Bouddha, Ramana Maharshi et les autres maîtres spirituels. C’était fluide et simple. J’avais percé le mystère, j’étais rentrée à la maison. 
Tout était vide et plein à la fois. Je ressentais une plénitude tranquille que des bulles de joie et d’amour venaient parfumer occasionnellement. J’étais d’une insouciance enfantine et d’une vastitude infinie. Je voyais l ’amour et la beauté dans chaque brin d’herbe et dans l’immensité du ciel bleu. Je ressentais une douce et subtile chatouille intérieure. Une grande simplicité et une ouverture totale se baladaient dans l’espace que j’appelais « moi ».

Claudette Vidal

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jeudi 5 avril 2012

Eric Baret


La joie l'absolu sont à reconnaitre ici et maintenant.Cette révélation est l'essence du tantrisme cachemirien. Sa mise en pratique est l'objet de la tradition telle que transmise par Jean Klein à partir des années soixante.
Ce livre souligne souligne les bases shivaïtes de cet enseignement, ainsi que ses échos dans l'islam d'Ibn Arabi et la mystique rhénane. Tout en gardant son ancrage dans la tradition, cette résonance s'actualise dans tous les aspects de la vie quotidienne. Elle en souligne la beauté et  la liberté inhérentes : tout est prétexte à cette reconnaissance.
L'abondante iconographie renvoie directement à cette même révélation où expérience esthétique et compréhension métaphysique vibrent d'un même silence.

Éric Baret a exploré pendant une trentaine d'années la tradition non-dualiste du shivaïsme cachemirien auprès de Jean Klein.Il a déjà publié chez Almora Le seul désir, Le sacre du dragon vert et Les crocodiles ne pensent pas.
Le présent ouvrage est l'approfondissement de la première partie de Yoga, corps de vibration, corps de silence, aujourd'hui épuisé.
On y trouve aussi  un CD audio contenant 8 entretiens avec Éric Baret d'une durée totale de 75 min.

Voici la préface de l'ouvrage par Colette Poggi

"Il est des rencontres qui transforment l'existence. Pour Éric Baret, il y eut Jean Klein, et à travers cette personnalité intense et lumineuse, c'est en réa lité toute une famille spirituelle, avec ses maîtres, leur trésor de textes et d'expériences, qui apparut en transparence. La rencontre fut donc décisive car elle suscita un émerveillement, un éveil... elle ouvrit une voie. C'est au fond l'objet de ce livre que de raconter, au fil des chapitres, l'his toire d'une rencontre qui servit de trame à une aventure intérieure. Jean Klein était pleinement immergé dans la lumière de l'Inde, ouvrant ainsi pour ses disciples et compagnons de route de nouveaux horizons spirituel et artistique. Il avait alors eu connaissance des théories véhiculées par le Shivaïsme du Cachemire ; son enthousiasme contagieux a de toute évidence touché E.B. qui a reconnu, en ces écoles cachemiriennes, des résonances avec sa propre expérience.

Qui étaient ces penseurs épris d'absolu qui vécurent au Cachemire entre les VIIIe et XIV ème siècles, laissant à la postérité des œuvres audacieuses portant à la fois sur les voies de délivrance, les moyens de réalisation, et l'expérience esthétique ?

C'est Lilian Silburn (1908-1993) qui la première a exploré, dès les années cinquante, le Shivaïsme du Cachemire ; chercheur au CNRS, elle a publié les traductions d'une dizaine de ses textes fondamentaux en les présentant dans leur esprit originel.
Deux aspects originaux retiennent l'attention :
-la vie quotidienne apparaît comme un champ de réalisation
-l'expérience esthétique peut conduire à la saveur de l'absolu

   L'une des caractéristiques fondamentales des théories cachemiriennes consiste ainsi à considérer l'art comme une voie de réalisation, un mode d'accès au Soi, grâce à l'épanouissement des énergies de la conscience et à la quiétude qu'il confère. Il n'est donc pas étonnant que Jean Klein, découvrant en Inde cette école de vie, ait éprouvé pour elle la fascination dont nous parle E.B., et qu'il ait eu envie de la partager avec ses proches.

Quant à la vie quotidienne comme champ de réalisation, cette vision s'inscrit dans le prolongement de la précédente; tout regard, tout geste portant en lui le miracle de la conscience et de la vie. Mais est-il véritablement possible, emporté dans les flots du samsara, de vivre en accord avec la paix des profon deurs, goûtant la liberté de l'esprit par rapport aux attachements..., et leur cor tège de tensions et de vanités ? La réponse est donnée par Abhinavagupta :
Quand on se libère des différenciations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse comparable à la mise à terre d'un fardeau, l'apparition de la Lumière est l'acquisition d'un trésor oublié : le domaine de l'universelle non-dualité.Hymnes d'Abhinavagupta traduit par Lilian Silburn, p.57.

Le shivaïte du Trika peut vivre une existence de maître de maison et s'engager dans une voie de libération de ce type, le monde ne présente pas en soi d'entraves; par contre le regard porté sur celui-ci et sur sa propre essence influe sur le processus de la délivrance :
Nous rendons hommage à Shiva, Seigneur suprême manifesté aux êtres réalisés alors même qu'ils demeurent immergés dans les flots de l'existence, Lui que l'on ne peut atteindre que par la conscience de soi !
Commentaire sur la Reconnaissance du Seigneur d'Abhinavagupta, 1.8.

Comme l'évoque E.B., certains auteurs médiévaux en Occident, chrétiens, soufis..., ont eux aussi perçu intuitivement le monde à la manière d'une œuvre d'art. Pour eux la Beauté est « l'éternel dans les choses » ; cette vision guérit, pensent-ils, du désir effréné de l'éphémère. Scot Origène (xe s.) part de la simple perception d'un caillou pour «imaginer » le monde.
Si je considère un caillou, des rayons en jaillissent, qui éclairent mon esprit. Ainsi en est-il de toutes choses... La machine du monde tout entier se présente comme une lumière immense, composée de lampes innombrables, destinées à révéler, (à mettre en lumière), à établir dans la cime de l'esprit les pures beautés des choses intelligibles.
Ce sentiment profond d'apaisement (shânti) et d'unité (aikyam), appelé aussi dans la philosophie indienne «saveur» (rasa), surgit avec la cessation (provisoire) du sens du moi (ahamkâra).

La visée de l'art dans ce contexte n'est autre qu'une transformation de soi dans le sens d'un accomplissement (samskriti). Il s'agit d'une intégration dans le rythme (chandas) du souffle cosmique, indissociable d'une « mise au diapason » avec le spanda cosmique. Ce terme dérive de la racine verbale CHAD (couvrir, tenir caché, secret), liée à son autre forme CHAND (se réjouir). Le rythme, selon la théorie indienne de l'art, sous-tend toute forme, toute structure, il définit pour chaque chose un mode distinctif, dans la manifestation universelle, de la Réalité primordiale.
Ainsi celui qui contemple l'image avec profondeur, s'il est « vacant », désen­combré, s'emplit de ce rythme, de ce souffle, originel, entre en contact avec le principe même de la vie, et se charge d'énergie spirituelle.

L'émerveillement est comme un bond de l'âme qui unifie soudain l'être entier et le plonge dans un recueillement spontané. Sans ces instants de grâce où l'apparence cède à la transparence, toute pratique, tout acte artistique, rituel... resteraient à la surface d'eux-mêmes, laissant la plupart des hommes enfermés dans leur corps mortel comme l'escargot dans sa coquille, enroulés dans leurs obsessions à la manière des hérissons, modelant sur eux-mêmes leur idée du Dieu bienheureux. Clément d'Alexandrie

Comme Abhinavagupta et les penseurs cachemiriens, le peintre-lettré chinois, Mi fou, qui avait atteint grâce à son art l'équanimité, savait reconnaître les vraies richesses.
D'un regard perçant, traversant les apparences, il savait déceler ce qui se joue d'unique dans le moment présent, il savait le bonheur de s'attarder sur « l'Océan des mystères », selon la belle image d'Isaac le Syrien.

Il est pauvre mais il n'a pas de chagrin
Il embrasse le printemps du monde dans son esprit
Il est parfois assis dans les forêts
Il se promène parfois au bord des rivières.

C'est ainsi qu'il faudrait entrer dans les pages de ce livre, les forêts de ses textes, les rivières de ses images, en laissant ruisseler, en contrechant, les sonorités des mots sanskrits." 

Colette Poggi

[Eric Baret "Corps de silence" (Ed Almora)]

http://ventdeveil.blogspot.fr/search/label/%C3%89ric%20Baret

dimanche 1 avril 2012

Stephen Jourdain


A la fois poète et philosophe, Stephen Jourdain transmet, par l’art d’écrire, à travers de nombreux ouvrages, et de décrire par sa verve, au cours de nombreuses conférences improvisée, l’art de veiller et d’être Moi.


Je crois que je devrais commencer par vous dire ce qu’est mon « expérience ». Elle est l’éveil, brusque et parfait, de l’esprit — de la personne intérieure — à soi-même, à son propre fait. Cette conscience n’est pas un état passager ; une fois apparue, elle demeure.

Quand cela m’est arrivé, j’étais un petit jeune homme, tout à fait normal. Je commençais de fumer, j’étais amoureux, et si je me posais des questions telles que « qu’est-ce que moi ? », ou « qu’est-ce que penser ? », avec une intensité et une passion peut-être exceptionnelles, et me singularisais encore en étant assez couramment sujet à des moments de perception différente, à d’injustifiables gouffres de félicité, il est absolument certain que je n’essayais pas d’atteindre cet éveil, ni à aucun mystérieux autre rivage de ma vie, n’en ayant pas la notion. Vraiment, je ne cherchais rien.

Si vous n’aviez pas médité le Cogito de Descartes, auriez-vous tout de même débouché ?

Si le Cogito n’avait pas existé, me serais-je quand même « éveillé » ? Je me suis souvent posé la question. Je ne sais pas… Possiblement, oui. La petite phrase de Descartes est merveilleuse, elle possède peut-être une efficacité particulière, mais elle n’est certainement pas le seul sujet de réflexion qui puisse devenir l’occasion de « l’éveil ». L’important est que le sujet de réflexion renvoie l’esprit qui réfléchit à son propre fait, l’oblige à passer et repasser près de son centre. Or, à peu près toutes les questions que je me posais à cette époque avaient cette propriété. Par ailleurs, une autre condition de l’éclatement de « l’éveil » est une tension extrême, paroxysmale de l’intelligence. Je vous ai dit qu’il n’était guère de jours qui ne me voyaient réfléchir avec cette intensité.

Vous avez à l’instant employé le mot « condition ». Selon vous, « l’éveil » est conditionné par quelque chose ?

Je ne peux que constater un rapport entre certaines circonstances mentales et la venue de cette « chose », il me semble infiniment probable qu’elle naisse toujours en ce même contexte ; il est donc bien difficile de ne pas parler de condition et de cause. Mais en même temps, dès que j’emploie ces mots, dès que je fais de la « chose » un résultat, une conséquence, elle se rebelle en moi, me hurle que je vais contre sa nature. « L’éveil est nécessairement « l’avant » de toute chose autre que lui-même et il n’est « l’après » de rien. »

… A côté de ces circonstances mentales, existe un autre facteur, beaucoup moins visible, du rôle duquel je n’ai pris conscience que tardivement, et que je ne crois pas moins essentiel : un certain état de la vision du monde extérieur.

Pouvez-vous préciser ?

C’est difficile. Si j’essaye de préciser la nature de cette vision, ce que je puis dire est que j’étais dans un monde essentiellement dynamique. Un monde arc-bouté, tendu, jaillissant, surabondant, faisant craquer tous ses corsages, un monde en marche aussi, lancé sur la pente d’un présent intense. Ce qui l’avait fait apparaître, c’était la lecture des poèmes de Rimbaud. L’univers avait commencé de « travailler » une ou deux années auparavant, la plante était déjà née, Rimbaud a brusquement amené un printemps, tout en conférant à la plante un visage défini.

Qu’avez-vous fait, immédiatement après que cela se soit allumé en vous, la première fois ?

Je suis resté une heure ou deux réveillé dans l’obscurité, œuvrant « l’éveil », grattant l’allumette et provoquant la flamme — qui était une même chose que le geste par lequel je la faisais brûler —, et jouant un peu avec cela, je crois, avec émerveillement. Le lendemain matin, ma première pensée a été « l’éveil », et savais-je toujours faire le geste ? J’ai découvert que oui, je savais, que cette chose miraculeuse était toujours là, et qu’elle serait présente jusqu’à ma mort, car je n’oublierais jamais le geste.
(...)

Quand cette chose-là vous est arrivée, avez-vous eu l’impression que c’était quelque chose qui était seulement pour vous, ou que cela pouvait arriver à tout le monde ?

Mon sentiment est très fort là-dessus. Cette chose ne tient en aucune façon à la nature particulière de mon esprit et peut jaillir en tout esprit. L’idée ne m’est jamais venue que cela pu être un don personnel. La possibilité de « l’éveil » appartient à l’âme humaine de la même façon que la possibilité de ressentir l’évidence 2 + 2 = 4.
(...)

Le problème de la mort, dans l’état « d’éveil », disparaît ? Vous n’avez jamais pensé à la mort, en état « d’éveil » ?

Je n’ai jamais pensé à la mort dans « l’éveil » pour une bonne raison, c’est que je n’y pense pas. Ce qui ne veut pas dire : le silence de la pensée. Le silence de la pensée et l’absence de la pensée sont des choses tout à fait différentes. On peut ne penser à rien avec une grande perfection, et il y aura autant de pensée dans cette soi-disant absence de pensée qu’en la pensée la plus intense. Il serait donc tout à fait vain de s’appliquer à faire taire sa pensée, à se vider, se laver l’esprit de toute pensée. « L’éveil » n’est pas une entreprise de vidange, ni de blanchissage. Je dis ça, parce que j’ai rencontré une personne qui passait ses jours et ses nuits à faire ça. Je fais monter la flamme de « l’éveil », « l’éveil » fait monter sa flamme, et la pensée succombe, et c’est une chose énorme, et fantastique, que cette mort ! Mais « l’éveil » peut très bien laisser le rêve se déployer (le rêve dont il n’est pas dupe et qu’à tout moment il peut foudroyer) et persister. Alors l’être « éveillé » pourra penser à la mort. Une vérité sur la mort se présentera tout de suite : cette réalité est une hallucination, une pure pensée. Certainement cette position est, vis-à-vis de « l’éveil », la plus rigoureuse et la, plus fidèle sur la question de la mort. Maintenant, si j’accorde réalité à la mort, si j’accepte de me situer au niveau de la pensée qui voit dans la mort une réalité, je pourrai essayer de répondre à la question : qu’est-ce que la mort ? À la lueur de « l’éveil ».

Est-ce qu’il y a une conscience de soi qui s’éveille ?

Mais… cette « chose » est la conscience de soi, c’est la possession de soi, c’est le temps du soi.


[Stephen Jourdain, La vie à l’endroit, dans L’Homme et la Connaissance, Le Courrier du Livre, 1965.]

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